jeudi 27 mars 2008

Bilan 1 an après la sortie du livre et du film


James Cameron, Simcha Jacobivici et plusieurs spécialistes de leur choix ont présenté l’hypothèse de la découverte du tombeau de la famille de Jésus lors d’une conférence de presse le 26 février 2007. Les chaînes américaines ont diffusé le documentaire The Lost Tomb of Jesus quelques jours plus tard, le dimanche 4 mars, suivi de la transmission en français sur TF1 le mardi 29 mai.

Un an s’est écoulé depuis que nous avons commencé à étudier le sujet, temps de faire un bilan.

1) Les progrès scientifiques depuis la première diffusion du documentaire.

1. La lecture de l’inscription « mariamenouemara » est erronée et corrigée par Emile Puech et Stephen Pfann en « Mariamè kai Mara », c'est-à-dire « Marie et Marthe ». Cette nouvelle lecture est désormais généralement acceptée. L’ossuaire concerné a recueilli les restes de deux femmes, Marie et Marthe, non pas ceux de Marie-Madeleine. Cette relecture est sans doute le progrès scientifique le plus significatif !
2. Dans les Actes de Philippe, Mariamne a survécu à l’apôtre Philippe mort vers l’an 105 : elle ne pouvait être enterrée dans un ossuaire à Jérusalem, car après la de destruction de la ville en l’an 70, plus personne n’y est enterrée dans des ossuaires. D’autre part, ce texte ne dit pas que Mariamne est décédée à Jérusalem, mais simplement qu’elle partit vers le fleuve du Jourdain (p. 240). Et nous avons remarqué que si Mariamne a surpassé les autres apôtres, c’est parce qu’elle s’est travestie en homme et ne s’est pas livrée à la procréation (1). Ainsi, les Actes de Philippe présentent des problèmes insurmontables pour l’hypothèse de Monsieur Jacobovici.
3. Le professeur R. Bauckham a démontré de façon convaincante que le nom de Mariamne mentionné dans les Actes de Philippe ne vient pas du nom Mariamenou, mais est une évolution du nom de Mariamme au 3e siècle. Ainsi, il n’y a plus de rapport entre Mariamenou et Marie-Madeleine !

L’ensemble de ces 3 éléments exclut totalement la possibilité que l’ossuaire en question ait contenu les restes de Marie-Madeleine. Et c’est bien l’élément clé de l’hypothèse (2) qui est définitivement éliminé.

4. La correction du calcul statistique en éliminant les présupposés erronés et en y intégrant la constatation de L.Y. Rahmani aboutit à une probabilité de maximum 0,94 % que le tombeau de Talpiot soit celui de Jésus. Pour aboutir à ce résultat, il a été tenu compte que seulement 50 % des inscriptions des étrangers comportaient la mention leur ville d’origine. Il est vraisemblable que le nombre d’oublis était moins élevé, et par conséquent la probabilité peut être bien inférieure à 0,94 % (3). D’autre part, pour que le tombeau soit celui de la famille de Jésus, il faut aussi intégrer la probabilité que lors de la découverte du tombeau vide de Joseph d’Arimathée, les Juifs n’aient pas vérifié le tombeau familial. Alors la probabilité est bien moindre que le pourcentage cité. D’autres calculs faits par plusieurs chercheurs ont produit des probabilités inférieures à 1 %. C’est sans doute le deuxième progrès scientifique le plus significatif.
5. L’inscription « Mariah » ne peut pas être d’origine latine. Nous avons expliqué cet argument et nous l’avons défendu avec succès dans les discussions. D’autre part, nous laissons la possibilité ouverte que le nom de « Mariah » puisse être une translittération à partir du grec. Il est apparu que Marie, la mère de Jésus, était encore souvent appelé « Mariam », nom araméen translittéré en grec dans le Nouveau Testament et plus fréquent que le nom grec de Marie.
6. Plusieurs commentateurs ont relevé l’extrême pauvreté des études de l'ADN. Seul le contenu de deux ossuaires a été examiné, l’on n’a pas posé la question s'ils ont contenu les restes d'une ou de plusieurs personnes, certains fragments examinés posent des questions (cf. ci-dessous). Dans un tombeau multi-générationnel, bien plus de relations familiales étaient possibles que celle du couple. Nous demandons que d’autres recherches soient faites sur les restes des autres ossuaires.
7. A partir des historiens Flavius Josèphe et Hégésippe, nous avons démontré que l’ossuaire « Jacques fils de Joseph, frère de Jésus » ne peut pas être l’ossuaire de Jaques le frère du Seigneur, lapidé à mort en l’an 62 hors des murs de Jérusalem. L’ossuaire désigne un des 20 autres candidats possibles de la ville. Si cet ossuaire se trouvait dans le tombeau de Talpiot, comme M. Jacobovici le pense, alors il disqualifie le tombeau de Talpiot comme celui de la famille de Jésus. Si l’ossuaire en question provient d’un autre tombeau, alors il n’influence en rien ce présent débat. (4)

En plus de l’argument clé qui ne tient plus et de la probabilité statistique qui est totalement inversée, la conclusion de l’étude ADN démontre une grande faiblesse scientifique. Les historiens démontrent que ce tombeau est disqualifié comme celle de la famille de Jésus si l’ossuaire de Jacques s'y trouvait. Les progrès scientifiques ont renversé l’hypothèse du livre.

2) Les réactions des hommes de science qui ont collaboré au projet.

Jusqu’en ce jour, le site internet The Lost Tomb of Jesus mentionne les noms de bon nombre de scientifiques. Plusieurs ont été interviewés dans le documentaire, d’autres ont collaboré. Après la diffusion du film, la majorité a désapprouvé l’hypothèse. Le Dr. Stephen Pfann donne un aperçu détaillé de leurs réactions dans l’article « Cracks in the Foundation. The Experts Weigh In and Bow Out. » (4)
- Amos Kloner (archéologue) : pour lui il est totalement impossible d’identifier ce tombeau avec celui de la famille de Jésus sur base des noms trouvés. Il y a au moins 3 ou 4 inscriptions « Jésus fils de Joseph » sur d’autres ossuaires, les noms étaient très fréquents.
- Joe Zias (archéologue) : atteste qu’un ossuaire avec l’inscription d’un seul nom peut bien avoir contenu les restes de 6 personnes différentes. Cela met en cause les études de l’ADN.
- Frank Moore Cross (professeur émérite d’Hébreu) : il a bien lu le nom de « Jésus » sur l’ossuaire, mais pas plus. Pourtant, il affirme clairement que tous ces noms étaient tellement fréquent à Jérusalem que les statistiques n’ont rien de convainquant. La caméra n’a pas repris cet élément, mais la référence d’un professeur de Harvard University donne tant de crédit …
- Stephen Pfann (épigraphiste de Jérusalem) : il s’est d’emblée méfié et a demandé de ne pas être interviewé. Il a écrit plusieurs études sur le sujet, notamment celui de la relecture de « Marie et Marthe » (6). Il tient à préciser qu’il n’a pas assisté l’expert légal Steven Cox.
- Carney Matheson (expert scientifique paléo-ADN) : « Les seules conclusions que nous avons tiré étaient que ces deux personnes n’avaient pas de lien maternel. Pour moi cela ne ressemble à absolument rien. »
- Charles Pellegrino (paléontologiste et auteur) : il exprime son étonnement de ce qu’il n’a vu aucune trace des os de Jésus, même pas des traces laissées habituellement lors de la détérioration des os. Il conclut que les os ont dû être enlevés de l’ossuaire il y a de longs siècles…
- Rober Genna (Directeur du laboratoire légal, New York) : il n’est pas sûr que les analyses de la patine indiquent que les ossuaires viennent du même tombeau.
- Steven Cox (expert légal) : concernant la patine de l’ossuaire de Jacques et de Jésus, il note que les résultats peuvent indiquer que les ossuaires proviennent de la même carrière (pas du même tombeau) ! Il critique aussi la méthodologie du film qui part d’une idée préconçue, cherche les éléments qui la soutiennent sans appliquer une méthodologie scientifique confirmée. Il a relevé un bon nombre d’erreurs d’analyse.
- Tal Ilan (professeure d’Hébreu) : elle était en colère quand elle a appris comment les auteurs du film ont exploité son œuvre. « Je crois que c’est malfait. Je suis fâchée. »
- Andrey Feuerverger (professeur de statistique) : dans une lettre datée du 12 mars 2007, il a renié l’essentiel de son travail, c'est-à-dire l’identification de la probabilité de 1/600 avec la famille de Jésus. Il a juste calculé la probabilité que ces noms se trouvent ensemble à un même endroit, mais l’identifier à la famille de Jésus est bien plus complexe ! Discovery Channel a reconnu cette erreur et l’a supprimée de son site ! Sa rétraction est certainement la plus significative : la probabilité de 1/600 n’a plus rien à voir avec la famille de Jésus !
- François Bovon : il affirme que Mariamne n’a rien à voir avec la personne historique de Marie-Madeleine, mais avec l’évolution théologique de Marie-Madeleine dans le gnosticisme du 4e siècle.

Les distances prises par tant d’hommes et une femme de science démontrent que l’hypothèse de Monsieur Jacobovici est contestable à beaucoup de niveaux.

3) L’avis de la revue scientifique « La Recherche »

Nous terminons avec la conclusion de la revue scientifique « La Recherche » dans le numéro du mois de Janvier 2008 (7). A la fin de son article « Le vrai-faux tombeau de Jésus », Estelle Villeneuve écrit :

« En définitive, aucun des arguments principaux sur lesquels repose la thèse développée dans le tombeau perdu de Jésus ne résiste à la critique scientifique. » (p. 57)

Nous étions déjà arrivés à la même conclusion fin mai – début juin 2007, mais nous sommes heureux de le lire sous la plume d’une scientifique.

Et dans l’introduction l’auteure remarque non pas sans humour et sagesse : « La prudence est toutefois de rigueur devant les annonces spectaculaires, surtout lorsqu’elles sont faites par des cinéastes. » (p. 55)

Notes :

(1) Actes de l'Apôtre Philippe, p. 176 note 339, p. 179.
(2) Le Tombeau de Jésus, Simcha Jacobovici & Charles Pelligrino, p. 128, Editions Michel Lafon, 2007.
(3) Dans une correspondance avec Jody Magness, elle écrit que dans tous les cas où elle a étudié les inscriptions d’une personne connue d'origine étrangère, son lieu de provenance était indiquée (e-mail du 21 avril 2007).
(4)Il reste donc plusieurs questions ouvertes pour la recherche scientifique : 1) des analyses du DNA de tous les ossuaires, y compris celui de Jacques, 2) la reprise des analyses de la patine pour répondre aux critiques méthodologiques et de l’origine de la carrière, 3) une détermination plus pointue du pourcentage des oublis du lieu d’origine (Rahmani), 4) une inscription sur le fond d’un des arcosolia, illisible sur les photos actuelles, 5) fouilles dans le tombeau à côté du nôtre.
(6) « Mary Magdalene is now missing”, http://www.uhl.ac/MariameAndMartha/
(7) La Recherche, mensuel n° 415, janvier 2008, article « Le vrai-faux tombeau de Jésus » par Estelle Villeneuve, p. 55 – 57.

mardi 29 mai 2007

7. Onze bonnes raisons pour rejeter l'hypothèse du tombeau de Talpiot.

Ce texte a été révisé le 28 mars 2008. Auparavant il était publié sous le titre "Dix bonnes raisons..."
Ce mardi 29 Mai ’07, le documentaire « Le tombeau de Jésus » a été transmis par TF1. Il a été vu par beaucoup de téléspectateurs et animera bien des débats. J’ai promis à plusieurs d’entre vous d’écrire un article qui résume quelques raisons principales pourquoi nous affirmons que ce tombeau n’a rien à voir avec un éventuel tombeau de la famille de Jésus. Pour plus de détails, lisez les autres articles.

1) La famille de Jésus était originaire de Nazareth.

Tout d’abord, il est improbable que la famille de Jésus ait disposé d’un tombeau taillé dans le roc, car seul les plus riches pouvaient se le permettre. La famille de Jésus n’en avait pas les moyens.
Et si la famille aurait quand-même eu un tombeau familial, alors c’était à Nazareth où elle résidait. Ceux qui construisaient des tombeaux le faisaient proche de la ville où ils résidaient. La découverte récente du tombeau d’Hérode en est un bon exemple. Le défunt devait être enterré dans les 24 heures après le décès : impossible de parcourir les plus de 100 km de Nazareth à Jérusalem pour y être enterré. S’il y avait un tombeau familial, c’était en Galilée.

2) L’ensevelissement dans le tombeau de Joseph d’Arimathée prouve que la famille de Jésus n’avait pas de tombeau à Jérusalem.

Si la famille de Jésus disposait d’un tombeau à Jérusalem, c’est là qu’il aurait été enterré. Le fait que son corps ait été placé dans le tombeau de Joseph d’Arimathée, prouve que la famille de Jésus n’avait pas de caveau dans les alentours. D’autre part, la loi juive permettait de se servir temporairement d’un caveau avant d’enterrer le défunt ailleurs. Sans tombeau familial dans les alentours, les disciples auraient pu enterrer le corps de Jésus en pleine terre quelques jours plus tard. Mais dans ce cas, les os n’étaient jamais déterrés pour être placé dans un ossuaire. L’ensevelissement du corps de Jésus dans le tombeau de Joseph d’Arimathée (admis par tous), rend toute découverte d’un ossuaire de Jésus à Jérusalem totalement impossible !

3) L’ossuaire de « Mariamenou » n’a pas appartenu à Marie-Madeleine.



L’étude récente du professeur Pfann lit l’inscription « Mariame et Mara ». « Mariame » est une variante du nom « Marie » portée par 21,4 % des femmes, et « Mara » est une abréviation de « Martha », nom porté par 6,1 % des femmes. Il s’agit donc d’un ossuaire ayant contenu les restes de deux femmes décédées à des moments différents. A Jérusalem, des milliers de femmes s’appelaient « Marie ». Rien n’indique l’origine araméenne de Migdal d’où provenait Marie-Madeleine, rien n’indique son milieu araméen (l’inscription est en grec).
M. Jacobovici se base sur les Actes de l’apôtre Philippe pour identifier l’ancienne lecture « Mariamenou » à « Mariamne » qui, selon lui, n’est autre que Marie-Madeleine. Cette identification pose plusieurs problèmes : Marie-Madeleine aurait été plus que centenaire puisque "Mariamne" est décédée après l'an 105 de notre ère, et comment peut-elle avoir été placée dans un ossuaire à telle date tardive, car cette pratique a disparu depuis la destruction de Jérusalem en l'an 70 (affirmé par les auteurs, p. 39) ! D’autre part, cette « Mariamne » était supérieure aux autres apôtres car elle ne s’est pas livrée à la procréation ! Son image ne correspond donc pas à l'épouse de Jésus ou à la mère de Juda. Finalement, l’affirmation de son décès à Jérusalem par M. Jacobovici est fausse (p. 275) : les Actes de Philippe (Martyre 42, p. 240) mentionnent uniquement que "Marianne (partit) vers le fleuve Jourdain.".

4) L’ossuaire de « Mariah » n’a pas appartenu à Marie la mère de Jésus si le nom est d'origine latine.

Les auteurs prétendent que l’inscription du nom « Mariah » est la version latine du nom biblique Myriam en lettres hébraïques. Dans les Evangiles, Marie est pourtant souvent nommée de son nom hébraïque « Mariam ». C’est ainsi qu’on l’appelait manifestement dans la vie de tous les jours (cf. Matthieu 13 : 55). En Israël il n’y avait pas de mini-Vatican avant la lettre qui se servait du Latin. Dans la famille de Jésus et parmi ses disciples, l’Araméen était la langue parlée. Le Latin était la langue des occupants romains : impossible que le nom de Marie ait été d’origine latine. Dans l'optique de l'origine latine de M. Jacobovici, il est exclu que cet ossuaire ait appartenu à Marie, la mère de Jésus !

5) Sur 9 noms, au plus 5 correspondent à la famille de Jésus et 4 ne conviennent pas.

Bien que le premier nom de l’inscription « Jésus fils de Joseph » soit contesté, nous le maintenons comme une possibilité. Le nom de Joseph correspond au père de Jésus, et bien que l’identification de « Josah » avec « Joses » (frère de Jésus en Marc 6 : 3) soit problématique, ce nom est une variante du nom de Joseph et nous l’acceptons. En outre, nous admettons la possibilité que le nom « Mariah » soit une translittération à partir du Grec, ce qui convient pour la mère de Jésus. La lecture « Mariamenou » est abandonnée et a été remplacée par « Marie et Mara ». Cette « Marie » peut trouver sa place dans la famille de Jésus, p.ex. la femme de Clopas, qui selon certaines traditions était le frère de Joseph (Jean 19 : 25). Etant le plus large que possible, nous trouvons au plus 5 noms qui correspondent à la famille de Jésus de Nazareth.
En même temps, le nom de l’ossuaire de « Matia » et « Juda fils de Jésus » ne correspondent pas à la famille de Nazareth. Remarquez bien que ce "Jésus" ne correspond pas à la personne de Jésus de Nazareth : nous comptabilisons son nom parmi ceux qui ne conviennent pas. Finalement, le nom de « Mara » est inconnu dans la famille de Jésus. En total 4 noms posent problème dans la famille du Christ.
Le résultat est très contrasté : 5 noms positifs et 4 négatifs ! Comment expliquer autant de noms qui ne conviennent pas dans la famille de Jésus ?

6) Aucun ossuaire n’a la moindre indication d’une origine galiléenne.

Le professeur L.Y. Rahmani, a constaté que quand quelqu’un qui n’était pas originaire de la région était enterré dans un tombeau de Jérusalem, son lieu de provenance était indiquée, p.ex. Simon de Ptolémaïs. Si le tombeau de Talpiot appartenait à la famille de Jésus, au moins plusieurs ossuaires devraient indiquer son lieu d’origine : Jésus de Nazareth, Marie de Magdala, … Ou aucun ossuaire ne porte la moindre indication d’une localité non-Judéenne. Cette absence totale indique que le tombeau appartenait à une famille originaire de Jérusalem !

7) La probabilité d’avoir trouvé le tombeau de Jésus ne se situe qu'entre 0 % et 0,94 %.

Le professeur de statistiques Andrey Feuerverger a calculé une probabilité de 1 sur 600 que ce tombeau ne soit pas celui de Jésus. Dans ses calculs de probabilité il a supposé que « Mariah » doit être identifiée à « Marie » mère de Jésus, « Mariamenou » à Marie-Madeleine et il ne tient aucun compte du doute quant au nom de « Jésus ». Nous avons corrigé le calcul par la suppression du facteur « Mariamenou » et la division par deux du facteur « Jésus » pour intégrer l’élément du doute. Nous avons ainsi obtenu une probabilité de 59,84 % que ce tombeau soit celui de Jésus.
En plus, nous devons intégrer le fait que sur aucun des ossuaires le lieu d’origine n’ait été indiqué. La logique est de multiplier le résultat de 59,84 % avec la probabilité de l’oubli du lieu d’origine sur chaque ossuaire. Nous avons retenu le chiffre le plus médian de 50 % (pour chaque inscription du lieu d’origine il y a eu un oubli sur un autre ossuaire). Dans ce cas, nous obtenons la probabilité de 59,84 % x 50 % x 50 % x 50 % x 50 % x 50% x 50 % = 0,94 %. Ce chiffre ne tient pas compte de la probabilité de la non-vérification par les Juifs dans le tombeau familial lors de la découverte du tombeau vide de Joseph d’Arimathée ainsi que d’autres facteurs. Dans tous les cas de figure, la probabilité que le tombeau de Talpiot soit celui de la famille de Jésus est inférieure à 0,94 %. Tenant compte du facteur que les Juifs auraient presque certainement vérifié dans le tombeau familial si le corps de Jésus ne s’y trouvait pas, nous pensons que la probabilité se situe entre 0 et 0,11 %.

8) Les analyses de l’ADN ne prouvent rien du tout.

Seul l’ADN mitochondrial des ossuaires de « Jésus fils de Joseph » et de « Mariamenou » a été analysé. Le résultat est que ces deux personnes n’avaient pas de relation par leur mère, ils n’étaient donc ni mère et fils, ni sœur et frère. La conclusion présentée par le livre/documentaire est qu’ils étaient mariés.

Ou, tout en respectant le résultat des analyses bien d’autres relations étaient possibles : « Mariamenou » pouvait aussi bien être demi-sœur, belle-sœur, tante, cousine du côté paternel, ou nièce par rapport à « Jésus ». Il est donc improbable qu’ils étaient mariés. Pourquoi l’ADN des autres ossuaires n’a-t-il pas été examiné, y compris celui de Jacques dont Mr. Jacobovici atteste la présence d’ossements dont les traces sont connues ? Ce travail est tout sauf un travail d’experts !

9) Si l’ossuaire de Jacques a fait partie de ce tombeau, alors il le disqualifie.

L'équipe de Mr. Jacobovici a analysé la patine des parois de l’ossuaire de Jacques, des autres ossuaires et des murs du tombeau de Talpiot pour démontrer qu’ils ont tous une signature commune. Puis il l’a comparée avec des patines d’ossuaires venant d’autres tombeaux, révélant une signature différente. Ainsi, il pense avoir prouvé que l’ossuaire de Jacques provenait du tombeau de Talpiot. Dans ce cas, la probabilité serait de 50 fois plus élevé qu’il s’agisse du tombeau de Jésus.
Il y a pourtant un grand problème. L’historien Hégésippe écrit au 2e siècle que Jacques, lapidé en l’an 62, a été enterré en pleine terre, pas dans un tombeau dans les rochers. Ces ossements n’étaient jamais déterrés pour être placés dans un ossuaire. De son temps, une stèle marquait toujours l’endroit où Jacques était enterré. C’était juste en face du temple de Jérusalem. Ou le tombeau de Talpiot se trouve à plus de 2 km de Jérusalem, à un endroit d’où il est impossible de voir la ville. Conclusion : l’ossuaire de Jacques n’est pas celui de Jacques le frère du Seigneur. S’il se trouvait dans le tombeau de Talpiot, il le disqualifie comme tombeau de la famille de Jésus !

10) Si Jésus était enterré dans ce tombeau, il n’y aurait jamais eu de religion chrétienne.


Le tombeau de Talpiot était grand et connu. Tous les habitants de Jérusalem savaient à quelle famille il appartenait. S’il avait appartenu à la famille de Jésus, c’est là que les autorités de Jérusalem se seraient rendues dès le matin de Pâques pour effectuer leurs recherches. Cela ne leur aurait pas pris une heure pour vérifier que le corps de Jésus était bien couché sur un des lits funéraires (les os étaient placés dans l’ossuaire un an plus tard). Si Talpiot était le tombeau de la famille de Jésus, les autorités juives n’ont pas pu ne pas aller vérifier sur place et il n’y aurait jamais eu de religion chrétienne.

11) Il est impensable que des disciples qui avaient volé le corps, aient proclamé avec autant de conviction la résurrection de Jésus.

Pour M. Jacobovici, les disciples auraient déplacé le corps de Jésus juste avant l’arrivée de la garde romaine. Dans ce cas, ils savaient que Jésus était toujours mort. Alors, comment ces hommes ont-ils pu proclamer avec autant de conviction la résurrection de Jésus-Christ ? Pierre l’a annoncée avec passion depuis le jour de la Pentecôte (Actes 2 : 24 – 32) et encore 30 ans plus tard (1 Pierre 1 : 3 etc…). Un médecin allemand non-chrétien, le Dr. D.F. Strauss, avoue : L’historien doit se rendre compte que les disciples croyaient vraiment que Jésus était ressuscité.
Et il y a plus pertinent : tous les 11 apôtres auraient-ils proclamé un mensonge tout le long de leur vie ? Dix d’entre eux sont morts martyrs : comment expliquer qu’aucun d’eux ne soit revenu sur ses déclarations, ne fut-ce que pour sauver sa vie ? Tous seraient mort dans le mensonge : est-ce probable, est-ce conforme à l’enseignement de Jésus (Matthieu 5 : 27, Jean 8 : 44, 14 : 6) ?


Devant toutes ces évidences, il est impossible de maintenir que ce tombeau ait contenu les restes de la famille de Jésus de Nazareth. Pas étonnant que de nombreux spécialistes ont abandonné ce Titanic en perdition. Le professeur Stephen Pfann dont le nom figure sur le site officiel du Jesus Family Tomb, est un des grands épigraphistes qui rejette avec grande compétence l’hypothèse de l’équipe de M. Jacobovici.

Pour terminer, permettez-moi de prolonger les dizaines d'heures de recherche et de proclamer : Jésus est vraiment ressuscité !

Emile Carp

6. Qu'en est-il de l'ossuaire de Jacques ?


Sur les dix ossuaires trouvés, six comportent des inscriptions et quatre en sont dépourvues. A la fin des fouilles en 1980, tous ces ossuaires ont été amenés à l’entrepôt de l’Autorité des Antiquités Israéliennes, mais seulement 9 y ont été enregistrés. Un ossuaire, le IAA 80/509, aurait mystérieusement disparu. Professeur Amos Kloner en avait seulement noté les dimensions et marqué qu’il n’avait aucune inscription. Qu’est devenu ce 10e ossuaire ? Mr. Jacobovici suppose qu’il aurait été volé.

Puis en automne 2002 est apparu dans l’appartement de Goded Olan, un collectionneur d’antiquités de Tel-Aviv, un ossuaire avec l’inscription « Jacques fils de Joseph, frère de Jésus ». L’épigraphiste André Lemaire a examiné le style de l’écriture et la grammaire, d’autres professeurs ont analysé la patine, le mince dépôt développé au fil des siècles sur les parois, pour constater que l’ossuaire était authentique. Sa découverte a fait grand bruit, car il était considéré comme la première trace archéologique de la famille de Jésus. (1) L’ossuaire a été exposé à Toronto, puis soudainement il y a eu un retournement de situation : Oded Golan fut accusé de falsification, et l’ossuaire a été oublié.

L’ossuaire de Jacques, n’est-il pas l’ossuaire manquant du tombeau de Talpiot ? Si cela est le cas, selon l’équipe de Monsieur Jacobovici, la probabilité serait 50 fois plus élevé et prouverait « de manière irréfutable que cette sépulture était celle de Jésus. (2)

1° Arguments en faveur de la présence de l’ossuaire de Jacques.

Au niveau scientifique c’est un travail cohérent fait avec nettement plus de sérieux que les analyses de l’ADN. Tout d’abord, l’équipe a prélevé de la patine (le mince dépôt développé au fil des siècles) des parois du tombeau de Talpiot et l’a soumise à une analyse spectrographique pour déterminer sa composition chimique. Les signaux de calcium, de carbone et d’oxygène dominaient, suivis de traces d’aluminium, de silicium, de phosphore, de titane et de fer. Puis ils ont analysé la patine de plusieurs ossuaires du même tombeau avec des signaux chimiques toujours concordants. C’est à l’étape suivante que les travaux deviennent intéressants : l’équipe a comparé les résultats de l’ossuaire de Jacques, analysé précédemment en Israël, avec les résultats du tombeau de Talpiot, pour découvrir qu’ils étaient concordants, jusqu’à la présence de pics de titane et de fer ! Il restait une question à résoudre : peut-être toutes les patines de tous les tombeaux de Jérusalem donnent-elles un résultat identique ? Dans ce cas, le résultat n’aurait aucune signification. La dernière étape consistait donc à prélever de la patine d’autres ossuaires révélant la présence de terra rossa comme dans le tombeau de Talpiot. Différents échantillons ont été examinés et les différences étaient immédiatement identifiables. (3) Cela semble bien être une preuve que l’ossuaire de Jacques provient du tombeau de Talpiot.

2° Objections à la présence de l’ossuaire de Jacques dans le tombeau de Talpiot.

1) Tout d’abord, l’archéologue Joe Zias qui faisait partie de l’équipe qui a effectuée la fouille, a déclaré qu’il a déposé de ses propres mains le 10e ossuaire dans la cour du musée Rockefeller. Avec le temps, les chiffres d’identification se sont effacés, il est donc presque impossible de l’identifier parmi les autres ossuaires sans inscription. Ceci démontre que l’ossuaire n’a pas mystérieusement disparu. (4)
2) Comme Joe Zias, Amos Kloner vient de déclarer que le 10e ossuaire ne portait aucune inscription (5). Ce sont deux témoignages concordants d’hommes de science qui n’ont aucun intérêt à mentir. Les deux archéologues toujours vivants confirment tous les deux que l’ossuaire en question était blanc.
3) La famille de Goded Olan a témoigné que l’ossuaire lui appartenait déjà durant les années 1970. Une ancienne fiancée de l’intéressé l’a aussi confirmée, ainsi que des photos qui ont été examinées par la FBI.
4) Celui qui a vendu l’ossuaire à Goded Olan l’a informé qu’il provenait du village de Silwan à l’Est de Jérusalem. Ceci est confirmé par des traces de terre de Silwan imprégné dans cet ossuaire.
5) Les mesures de l’ossuaire de Jacques (longueur : 56 cm en haut, 50,5 cm en bas, hauteur 30,5 cm et largueur 25 cm) ne correspondent pas aux mesures du 10e ossuaire notées par Amos Kloner : longueur 60 cm, hauteur 30 cm, largueur 26 cm. (6). Quand les mesures en hauteur et largueur sont relativement proches, la différence en longueur est flagrante. Ceux qui prétendent que les mesures étaient identiques ne connaissent pas le sujet. (7)
6) Le fond de l’ossuaire de Jacques a souffert de l’eau pendant une longue période, ou le tombeau de Talpiot n’a pas de problèmes d’humidité. L’ossuaire de Jacques s’est trouvé pendant des siècles dans un tombeau humide, ce qui le différencie des ossuaires de Talpiot.

Comment voir clair dans ces deux positions fortes ?

L’approche des analyses spectrographiques est un point fort du travail de Mr. Jacobovici. Pourtant, son approche scientifique est contesté par certains, dont Joe Zias qui se plaint que le laboratoire de la police scientifique de Suffolk ne comprend rien en archéologie. Il signale aussi que la patine des ossuaires de Jérusalem est quasiment la même pour tous, car les matériaux et le climat sont identiques. (8) Ce qui nous étonne, c’est que Mr. Jacobovici dans son livre ne mentionne nulle part la terre de Silwan dans l’ossuaire de Jacques, ni les dégâts d’eau dont les autres ossuaires n’ont pas souffert. Ce sont des différences claires.
D’autre part, il est impossible que l’ossuaire de Jacques est le 10e ossuaire « disparu ». Les mesures sont différentes et les témoignages des deux archéologues confirment qu’il ne portait aucune inscription. Dans la Bible, la vérité est établie sur base d’au moins deux témoins (Deutéronome 19 : 15).
Est-il possible qu'un 11e ossuaire aurait disparu entre la découverte du tombeau le vendredi et le dimanche matin quand les fouilles ont commencé ? Les plans du tombeau effectués par l'archéologue Shimon Gibson indiquent que tous les ossuaires étaient couverts d'une bonne couche de terra rossa. (9) Les entrées des loculi étaient remplis à deux-tiers de la hauteur de cette terre, impossible d'en extraire le moindre ossuaire. Notre réponse est donc formelle : il n'y avait pas de 11e ossuaire dans le tombeau.

Et comment expliquer plusieurs témoignages concordants de la famille et des amis, de photos prises de l’ossuaire de Jacques au milieu des années ’70 ? Pour James Tabor, ils mentent tous : « Je pense qu’il est en sa possession depuis un an (2001). » (10) Cette affirmation ne tient plus du tout devant une photo produite récemment par Monsieur G. Olan où l’on voit l’ossuaire. La date est marquée sur cette photo : il s’agit de l’année 1976, quatre ans avant la découverte du tombeau de Talpiot ! (11)
Quand nous mettons tous les éléments ensemble, l’identification de l’ossuaire de Jacques au 10e ou à un éventuel 11e ossuaire (nulle part attesté), devient de moins en moins plausible.

Et si l’ossuaire de Jacques avait appartenu au tombeau de Talpiot …

Professeur André Lemaire a authentifié l’inscription qu’il date du 1 siècle de notre ère, mais outre les noms, il n’y a pas d’autres spécifications typiques pour Jacques (p.ex. « le juste »). L’identification avec Jacques, le frère de Jésus, n’est donc pas certaine. Il établit aussi qu’il y avait à Jérusalem bien vingt Jacques, fils de Joseph, avec un frère nommé Jésus. Mais « fils de Jésus » n’avait de sens que quand ce dernier était très connu, et c’est avant tout Jacques l’évêque de Jérusalem qui était connu comme frère du Seigneur. André Lemaire pense qu'il est très probable que l'ossuaire ait appartenu à Jacques, le frère du Seigneur. (12)

Nous avons adopté un autre point de vue. Flavius Josèphe (Ant. 20.9.1) écrit qu’en l’an 62, le souverain sacrificateur Anan a fait lapider Jacques, « le frère de Jésus, qui était appelé le Christ ». Ceux qui étaient lapidés ne pouvaient être enterrés dans un tombeau dans le roc, ils devaient être enterrés en pleine terre. Selon l’historien de l’Eglise Hégésippe qui vécut au milieu du 2e siècle (cité par Eusèbe, Hist. Eccl. 2.23.4-18), Jacques était enterré là où il est mort, proche du sanctuaire, le temple de Jérusalem. Il signalait que de son temps il y avait toujours une stèle sur la tombe en pleine terre de Jacques. Il est clair que ce mot n’indique pas un ossuaire, mais bien la plaque placée en surface pour signaler la tombe. Aucune tradition n’indique que Jacques ait été placé dans un tombeau taillé dans le roc. Finalement, Jacques aimait la pauvreté : un tombeau de riches ne convenait pas à sa personnalité. Ainsi, Jacques, le frère du Seigneur, était enterré en pleine terre et pas dans un ossuaire, son tombeau était toujours identifiable par une stèle un siècle après sa mort. Il était enterré en face du temple, hors des murs de Jérusalem, dans la vallée du Cédron. (13) Cet endroit ne correspond pas du tout avec le tombeau de Talpiot qui se trouve au Sud de Jérusalem, loin du temple.
Le corps de Jacques, le frère de Jésus, n’a pas été placé dans un ossuaire, même pas un siècle après sa mort. Ainsi nous concluons que l’ossuaire « Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus » désigne un des vingt autres candidats de Jérusalem. Si cet ossuaire s’est trouvé dans le tombeau de Talpiot, il prouve que ce tombeau a appartenu à une autre famille que celle de Jésus de Nazareth.

Emile Carp


(1) André Lemaire, L’ossuaire de Jacques, frère de Jésus, http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/l_ossuaire_de_jacques_frere_de_jesus.asp
(2) Le Tombeau de Jésus, Simcha Jacobovici & Charles Pelligrino, p. 254, Editions Michel Lafon, 2007
(3) Idem, p. 241 – 250
(4) Journal Nouvelles Israël n° 5, Mai 2007, voir aussi les emails de Joe Zias sur le blog de Ben Witherington, http://benwitherington.blogspot.com/2007/03/smoking-gun-tenth-talpiot-ossuary_9874.html
(5) Amos Kloner interviewed by Darrell Bock – the Tenth Ossuary was Blanc, sur le blog de Ben Witherington, 17 Mars 2007,http://benwitherington.blogspot.com/2007_03_01_archive.html
(6) Pour les mesures de l’ossuaire de Jacques, voir l’article d’André Lemaire sous (1), pour le 10e ossuaire, voir Atiquot 29 (1996), p. 15 – 22.
(7) M. Jacobovici mène ses lecteurs en erreur quand il écrit : "James Tabor a vérifié les dimensions de "Jacques" ... et elles correspondent exactement à celle de l'ossuaire manquant". (Le tombeau de Jésus, p. 236). Nous avons mentionné les mesures exactes des deux ossuaires qui sont manifestement différentes !
(8) Journal Nouvelles Israël n° 5, Mai 2007
(9) Le Tombeau de Jésus, Simcha Jacobovici & Charles Pelligrino, la 1e page photos qui suit la page 120, Editions Michel Lafon, 2007
(10) Idem, p. 84 - 85
(11) Deconstructing the Second and Hopefully the Last Coming of Simcha and the BAR Crowd, Joe Zias, 2007, http://www.joezias.com/tomb.html
(12) André Lemaire, L’ossuaire de Jacques, frère de Jésus, cf ? note (1), cf. Emile Puech, « L’Ossuaire de Jacques, le frère de Jésus », http://www.revue-kephas.org/03/1/Puech41-46.html
(13) Nous suivons l’étude magistrale de Jodi Magness « The Burials of Jesus and James », Journal of Biblical Literature 124/1, 2005, p. 121 – 154.

5. Questions posées par les analyses de l'ADN

Dans les ossuaires, il n’y avait plus d’ossements. Cela n’a pas empêché l’équipe de Mr. Jacobovici de rechercher au fond des ossuaires de très petits fragments d’os, préservés au cœur des concrétions minérales. Il n’y avait que des restes du cytoplasme, contenant l’ADN mitochondrial, qui ne permet que l’identification des liens maternels.

Ces restes d’ADN ont été récoltés des ossuaires « Jésus fils de Joseph » et de « Mariamenou » et ont été examinés à l’Université de Lakehaed, l’un des cinq meilleurs laboratoires de paléontologie génétique au monde. Résultat : les deux individus n’ont pas de lien maternel, ne peuvent être ni mère et fils, ni frère et sœur. La conclusion avancée par l’équipe est claire : « ces deux personnes étaient probablement mari et femme. » (1)

Ces analyses posent plusieurs questions :

1) La première question concerne le nombre de corps que chaque ossuaire ait contenu. Régulièrement des ossements de plusieurs individus étaient enterrés dans un seul et même ossuaire. Ainsi, le professeur Evans a évalué à plus au moins 17 le nombre de personnes enterrés dans les 10 ossuaires du tombeau de Talpiot. En plus, ce tombeau a été visité dans le passé, les ossuaires ont pu être vidés, d’autres os ont pu y être déposés. Dans l’ossuaire de « Mariamenou », plus grand que les autres, il est hautement probable qu’il ait contenu les ossements d’au moins deux personnes. Rien à ce sujet n’est mentionné dans le livre. Un travail scientifique sérieux doit prendre en considération la possibilité des restes de plusieurs corps dans chaque ossuaire.

2) Ce n’est pas parce que ces deux personnes n’avaient pas de lien maternel, qu’ils devaient probablement être mari et femme. Il y a bien d’autres relations familiales possibles : « Mariamenou » pouvait aussi bien être demi-sœur, belle-sœur, tante ou cousine du côté paternel, par rapport à « Jésus ». Ces relations nombreuses sont en accord complet avec l’analyse de l’ADN. Dans le cadre de la famille de Jésus, on pourrait suggérer la tante de Jésus appelée Marie (Jean 19 : 25, la femme de Clopas, vraisemblablement frère de Joseph), une de ses belles-sœurs (soit la femme de Jacques, de Simon, de Jude, ou de Joseph), un de leurs enfants : une nièce de Jésus, … Les possibilités de relations familiales sont nombreuses, il est donc improbable que « Mariamenou » était la femme de Jésus.

3) Les auteurs nous informent qu’il était impossible de prélever le moindre fragment d’os de « Judah, fils de Jésus », mais ils affirment que sa mère ne pouvait être que Marie-Madeleine selon toute vraisemblance. (2) Pour l’affirmer deux suppositions doivent être acceptés : 1) « Mariamenou » n’est autre que Marie Madeleine, et 2) « Mariamenou » est la mère de « Judah ». Nous avons attesté que la première supposition est hautement improbable, et la deuxième improbable. Devant la nature de ces deux conditions, il est donc hautement invraisemblable que « Judah » soit le fils de Marie-Madeleine.

4) Et pourquoi l’ADN des autres ossuaires n’a-t-il pas été analysé ? Simcha Jacobovici a répondu (New York Times): « Nous ne sommes pas des scientifiques. A la fin du jour nous ne pouvons attendre que l’ADN de chaque ossuaire soit testé… Nous avons pris l’histoire à ce point. A un certain moment, il faut dire « J’ai fait mon boulot de journaliste ». » Tim, qui a étudié l’archéologie biomoléculaire réagit : c’est un travail nonchalant qui est tout sauf professionnel, le travail scientifique exigeait une comparaison de l’ADN des différentes ossuaires, l’absence d’un travail sérieux fait croire que la seule préoccupation était de démontrer une idée préconçue ! (3).
5) Cette question devient d’autant plus embarrassante quand Simcha décrit sa découverte de l’ossuaire de Jacques chez Oded Golan : « Je regardai à l’intérieur et vit (sic) des fragments d’os. L’ADN de la famille de Jésus ! pensai-je. » (4) Ces fragments ont été confiés à un ami de l’antiquaire israélien pour les mettre à l’abri.
Trois constatations :
(1) l'ossuaire de Jacques contenait des restes d'os de Jacques (supposant qu’il n’y a pas eu de contamination),
(2) les traces du récipient en plastique contenant les os sont connus, et
(3) Mr. Jacobovici s’est exclamé de la découverte de l’ADN de la famille de Jésus.
Dans de telles conditions, l’ADN de Jacques n’aurait-il pas été analysés ?

Conclusion : l’idée de faire des analyses ADN est bonne, mais seul les quelques restes de deux ossuaires ont été analysés. La conclusion des auteurs est tout sauf scientifique, car bien d’autres relations familiales sont envisageables. Ils ont imposé leur idée préconçue. S’il y avait eu un travail d’experts, les restes de Jacques auraient été recherchés en premier lieu. Leur approche tend à faire croire qu’ils appréhendent des résultats qui ne corroborent pas leur hypothèse. Avec Ben Witherington et d’autres nous demandons une analyse de l'ADN des autres ossuaires !

Emile Carp


(1) Le Tombeau de Jésus, Simcha Jacobovici & Charles Pelligrino, p. 233, Editions Michel Lafon, 2007. (nous soulignons)
(2) Idem, p. 235
(3) Résumé du commentaire de Tim sur le blog de Ben Witherington : http://benwitherington.blogspot.com/2007/03/smoking-gun-tenth-talpiot-ossuary_9874.html.
(4) Le Tombeau de Jésus, Simcha Jacobovici & Charles Pelligrino, p. 82, Editions Michel Lafon, 2007. (nous soulignons)

lundi 28 mai 2007

4. Le calcul de probabilité du professeur Feuerverger tient-il debout ?


Voici la version améliorée du 13 mars 2008 !

L’équipe de Mr. Jacobovici a fait appel aux services du professeur A. Feuerverger de l’Université de Toronté pour calculer la probabilité que le tombeau de Talpiot soit celui de la famille de Jésus de Nazareth. Il s’est basé sur la fréquence des noms. (1) La majorité des noms trouvés sur les ossuaires étaient très courants à cette époque.

Voici les chiffres cités par le professeur R. Bauckham :
a) sur 2625 noms d’hommes, 8,3 % s’appelait Joseph, 3,4 % s’appelait Jésus, 6,2 % s’appelait Juda et 2,4 % s’appelait Matthieu ;
b) sur 328 noms de femmes 21,4 % s’appelait Marie et 6,1 % s’appelait Marthe. (2)

Pour calculer la probabilité que le tombeau de Talpiot n’ait pas appartenu à la famille de Jésus de Nazareth, le professeur Feuerverger s’est servi de la formule :

1
_______________________________________________
[(Jésus fils de Joseph x Mariah x Mariamenou x Josah) : 4] : 1000


Il a attribué la valeur de 1 : 190 à « Jésus fils de Joseph », de 1 : 4 à « Marie », de 1 : 160 à « Mariamenou » et de 1 : 20 à « Josah ». La multiplication donne le total d’une chance sur 2.432.000 de trouver ces 4 noms ensemble. Il a divisé ce chiffre par 4 pour tenir compte de l’absence des frères de Jésus (Jacques, Jude) et finalement par 1000 qui représente le nombre maximal des tombes à Jérusalem.

1
_______________________
[(190 x 4 x 160 x 20) : 4] : 1000


Le résultat final est de 1 chance sur 608, arrondi à 1 chance sur 600 (0,17 %) que ce tombeau ne soit pas celui de la famille de Jésus de Nazareth. Autrement dit, il y aurait 599 chances sur 600 ou 99,83 % que ce tombeau ait appartenu à la famille biblique.

Nous proposons d’introduire les pourcentages retenus par le professeur R. Bauckham : pour « Jésus fils de Joseph » cela correspond à une valeur de 1 : 354, pour Marie 1 : 4,67, pour Mariamenou 1 : 164 et pour Joseh considéré comme variante de Joseph la valeur de 1 : 12,05. Quand nous multiplions ces chiffres nous obtenons 3.267.701. Cette somme doit être divisée par 4 et puis par mille = 816,754. Nous arrondissons le chiffre à 817. Avec ces chiffres légèrement différentes, nous obtenons le résultat de 1 chance sur 817 (0,12 %) que ce tombeau ne soit pas celui de Jésus ou de 816 chances sur 817 ou 99,88 % que ce tombeau ait appartenu à la famille biblique. Nous constatons que le professeur Feuerverger gagne en pertinence, bien que les différences des pourcentages restent petites.

Voici notre critique des calculs :

1. Tout d’abord, le calcul de probabilités n’est qu’aussi fort que le sont ses suppositions. Dans sa lettre du 12 Mars, Feuerverger cite plusieurs suppositions. Parmi celles-ci :
a) l’ossuaire de « Mariamenou » devrait être identifié à Marie-Madeleine. Il avoue lui-même que cette identification est discutable et que « cette supposition influence de façon substantielle le résultat des calculs » (3). Nous avons démontré que cette identification est désormais définitivement écartée. Nous devons donc corriger la formule et supprimer la valeur pour « Mariamenou ».
b) l’inscription « Jésus fils de Joseph » est acceptée sans tenir compte du doute réel quant au nom de « Jésus » (« Hanun » ?). Pour intégrer l’élément du doute, nous divisons la valeur de « Jésus fils de Joseph » par deux = 177.
c) d’autre part, le facteur 1000 correspond au nombre des tombeaux autour de Jérusalem. Cela pose deux problèmes majeurs :
1) Jésus pouvait aussi être enterrée en pleine terre comme 90 % de la population de son temps, 2) ce chiffre exclut la possibilité de la résurrection. Si la résurrection est d’emblée exclue, alors il est facile à arriver à la conclusion qu'il n'est pas réssusicté !
Nous maintenons pourtant le chiffre 1000 parce que le corps de Jean-Baptiste a été placé dans un tombeau dans le roc (Marc 6 : 29 : le mot "mnemeion" a le sens de "mémorial" et est employé par le même évangéliste pour un caveau taillé dans le roc (5 : 2). Il est vraisemblable que les disciples de Jésus ont suivi cet exemple. Cela est confirmé par les 33 kg d'aromates coûteuses (Jean 19 : 39) utilisées pour les funérailles de Jésus qui indiquent que les disciples n'envisageaient pas de l'enterrer en pleine terre.

Conséquences pour le calcul : nous corrigeons le calcul comme énoncé sous les points a) et b). Nous obtenons 1 chance sur 2,4901023 (40,16 %) que ce tombeau ne soit pas celui de Jésus et de 1,49 sur 2,49 ou 59,84 % que ce tombeau soit celui de la famille de Jésus. Avec ce résultat toutes les possibilités sont ouvertes. (4)

2. Puis nous devons intégrer les facteurs dont le Professeur Feuerverger n’a pas tenu compte dans son calcul.

1) L’absence d’inscriptions du lieu d’origine sur les ossuaires :
Le professeur L.Y. Rachmani a découvert que les non-Judéens qui étaient enterrés dans un tombeau de Jérusalem, avaient leur lieu d’origine indiqué sur l’ossuaire. Nous devons donc multiplier la probabilité que Talpiot soit le tombeau de la famille de Jésus (1,49/2,49) avec la probabilité pour chacun des 6 ossuaires que le lieu d’origine n’y soit pas inscrit. La difficulté est qu’il est impossible d’estimer le pourcentage des ossuaires où l’origine étrangère était omise. Supposons qu’en 50 % des cas l’on ait omis d’indiquer le lieu d’origine (dans ce cas, la population étrangère à Jérusalem était deux fois plus importante que ce qui est estimé à partir des ossuaires). Alors la probabilité que Talpiot soit la tombe de la famille de Jésus est de 1,49/2,49 x 50% x 50% x 50% x 50% x 50% x 50% = 0,94 %. Le facteur le plus médian réduit la probabilité de 59,84 % (Feuerverger corrigé) à seulement 0,94 %. Même au cas où un pourcentage quasi absurde de 75 % d'oublis est retenu, la probabilité ne s'élève qu'à 10,65%. (5)
Conclusion : le facteur archéologique renverse totalement le calcul de la probabilité.

2) La probabilité de non-vérification dans le tombeau :
Le tombeau de Talpiot était grand : quelque 35 personnes y ont été enterrées sur une durée de 3 à 4 générations. Ce caveau était connu de tous les habitants de Jérusalem. Cela implique au cas où ce tombeau appartenait à la famille de Jésus, que les chefs religieux savaient où ils devaient chercher le corps de Jésus. Quand son corps avait disparu du tombeau de Jospeh d’Arimathée, ils ne pouvaient pas ne pas aller vérifier dans le tombeau de la famille de Jésus. Ils l’auraient découvert et il n’y aurait jamais eu de foi en la résurrection de Jésus. Au cas où ce tombeau appartenait à la famille de Jésus, quelle est la probabilité que les chefs religieux ne s’y soient pas rendus pour vérifier ? Toute la logique atteste qu’ils l’auraient fait, rien ne s’y opposait. Cette probabilité était certainement inférieure à 1 %. Alors dans le meilleur des cas, il y a une probabilité inférieure à 10, 65 % divisé par 100 = 0,1065 % que le tombeau de Talpiot soit celui de Jésus.

Conclusion : la probabilité que le tombeau de Talpiot soit celui de la famille de Jésus se situe entre 0 et 0,11 %.
Le lecteur peut se rendre compte que plusieurs fois nous avons arrondi les chiffres en faveur de l’équipe de M. Jacobovici. Par exemple, nous aurions pu retenir 25 % d'oublis, ce qui correspond à une probabilité de 0,00015 % (soit une chance de 1,5 sur un million !). Nous sommes d’autant plus à l’aise avec ce chiffre que d’autres facteurs devraient être pris en compte, mais ils sont quasi impossibles à chiffrer : p.ex. la probabilité que tous les apôtres aient menti jusqu’à la mort quant à la résurrection, et la probabilité que le tombeau ne soit pas devenu un lieu de pèlerinage.

3. Un autre calcul permet d’avancer une probabilité similaire. Puisque la famille de Jésus venait de Nazareth, nous devons tenir compte de l’origine galiléenne de la famille. Quelle est la probabilité qu’une famille originaire de 100 km ait eu son tombeau à Jérusalem ? Nous multiplions le résultat corrigé du calcul du Professeur Feuerverger que la famille de Jésus ait eu son tombeau à Jérusalem (59,84 %) à la probabilité qu’une famille vivant à plus de 50 km de distance dispose d’un tombeau à Jérusalem. Parmi les 900 tombeaux de la ville combien appartenaient à une famille résidant à plus de 50 km ? Aucun ! La probabilité est donc inférieure à 1 sur 900 (6). Le résultat doit donc être divisé par 900. 59,84 % : 900 donne une probabilité inférieure à 0,067 % que le tombeau de Talpiot soit celui de Jésus.

4. Le professeur Feuerverger ne tient pas compte de la réalité familiale. Il calcule la probabilité de l’apparition des noms ensemble dans un contexte quelconque. Dans notre sujet, ils ont été retrouvés dans un tombeau familial, il est donc impératif de tenir compte du contexte familial. Nous proposons un calcul du nombre des familles à Jérusalem avec un père Joseph, une mère Marie, un fils Joseph et un fils Jésus.
Voici le calcul :
- nombre d’hommes à Jérusalem = 80.000
- 8,3 % d’entre eux s’appelait Joseph = 6640
- 21,4 % d’entre eux s’était marié à une Marie = 1421
- en 60 % des cas un fils s’appelait Joseph = 853
- l’autre fils s’appelait Jésus (x 4,76 %) = 40 (7)
Il y avait donc au moins 40 familles à Jérusalem avec comme parents Joseph et Marie, ainsi que deux garçons appelés Jésus et Joseph. Nous situons ce chiffre sur la durée d’une trentaine d’années, ce qui a permis à la première génération des Joseph de se marier. Partant de la réalité familiale, nous trouvons donc un éventail de possibilités largement suffisant pour expliquer les noms du tombeau de Talpiot. Avec un autre calcul, Jay Cost aboutit à 229 Jésus fils de Joseph et de Marie, frère de Joseph sur 2 ou 3 générations. (8)

Sachant que 10 % des habitants étaient enterrés dans les tombeaux taillés dans le roc, nous devrions trouver au moins 4 tombeaux avec ces noms. Quand nous avons obtenu le chiffre de 40 familles sur deux générations, la majorité des tombeaux contenait les restes de 3 ou de 4 générations. Si l’ensemble de ces noms n’a pas été découvert plus souvent, c’est parce que seulement 25 % des ossuaires comportent des inscriptions de noms. Et c’est dans ce domaine que le tombeau de Talpiot est exceptionnel : 6 des 10 (60 %) ossuaires portent des inscriptions. Si autant d’ossuaires étaient inscrites dans les autres tombeaux de Jérusalem, nous aurions sans doute découvert plusieurs familles de Jésus ! (9)

Appréciation globale :

1) Plusieurs suppositions de départ sont fausses, le calcul du professeur Feuerverger doit être corrigé en fonction des suppositions qui ne tiennent pas la route ;
2) A Jérusalem, il y avait un réservoir suffisamment large pour expliquer la présence dans le tombeau des noms de Jésus fils de Joseph et Marie, frère de Joseph. Au moins 40 familles différentes de la ville répondaient à ces noms.
3) Le calcul de probabilité doit tenir compte de tous les facteurs : l’origine galiléenne de la famille de Jésus, la probabilité de l’explication des difficultés si Talpiot était le tombeau de la famille de Jésus. Plusieurs facteurs sont impossibles à chiffrer.
4) Avec les données qui peuvent être chiffrées, nous obtenons une probabilité entre 0 % et 0,11 % que ce tombeau soit celui de Jésus, ce qui est du même ordre de grandeur au chiffre de 0,23 % mentionné par Jay Cost. (10)

Le professeur Feuerverger se rétracte :

Depuis la publication du livre, le professeur Feuerverger a révoqué un élément important de son travail dans une lettre à ses pairs datée du 12 mars 2007 : « je crois maintenant que je ne devrais confirmer aucune conclusion qui relie ce tombeau à une tombe hypothétique de la famille du NT. » (11) Il a calculé la probabilité que ces 5 noms apparaissent dans une seule et même famille, ce qui n’est pas du tout la même chose que l’identification du tombeau de Talpiot comme étant celui de la famille de Jésus.

Questions subsidiaires :
1) Nous avons retenu le nom de « Mariah » qui peut être une translittération du Grec vers l’Hébreu. Au cas où les auteurs maintiennent la provenance latine de « Mariah », il faudrait l’exclure du calcul du prof. Feuerverger. Le résultat est une probabilité de plus de 100 % que ce tombeau n’est pas celui de Jésus.
2) Nous n’avons pas intégré les conséquences de la nouvelle lecture de Mariamenoumara comme « Mariame et Mara ». Le nom « Mariame » convient dans la famille de Jésus, soit comme tante ou peut-être une de ses sœurs : en faveur du professeur Feuerverger, il peut être inclus (facteur 4,67). Le nom de « Mara » est en défaveur du résultat du prof. Feuerverger. En réalité il y a un ensemble de quatre noms qui ne correspondent pas à la famille de Jésus : Jude, Jésus (le père de Jude n’est pas la même personne que le Jésus des Evangiles), Matthieu, et Mara. Nous laissons à d’autres le soin de calculer l’impact de l’ensemble de ces noms non-concordants.

Emile Carp


(1) Il s’est appuyé sur les œuvres du professeur L.Y. Rahmani « Catalogue of Jewhish Ossuaries in the collections of the State of Israël », et de Tal Ilan « Lexicon of Jewish Names in Late Antiquity ».
(2) Prof. R. Bauckham, The Alleged Jesus’ Family Tomb,
http://www.christilling.de/blog/2007/03/guest-post-by-richard-bauckham.html
(3) Lettre du professeur Feuerverger du 12 Mars 2007, http://fisher.utstat.toronto.edu/andrey/OfficeHrs.txt
(4) 1/[(177 x 4,67 x 12,05)/4]/1000 = 1/24901023
(5) Voici quelques calculs de la probabilité que Talpiot soit le tombeau de la famille de Jésus :
25 % d’oublis => 0,015 %
35 % d’oublis => 0,11 %
50 % d’oublis => 0,94 %
66,7 % d’oublis => 5,27 %
75 % d’oublis => 10,65 %
(6) Nous sommes ouverts à toute discussion sur ce point.
(7) Du temps de Jésus, il était habituel qu’un père donne son nom à un de ses fils (cf. Luc 1 : 59 – 63). D’autres évaluent cette probabilité à au moins 60 %, chiffre que nous suivons aussi. L’occurrence du nom de Jésus est de 3,4 % => (3,4 % pour le deuxième + (3,4 x 40%) pour le cas où le premier fils n’aurait pas porté le nom de Joseph = 4,76 %). Nous avons donc multiplié 852 x 4,76 % = 40,58. S’il n’y avait que 40.000 hommes à Jérusalem (estimation d’André Lemaire), alors il reste toujours un réservoir très confortable de 20 familles qui correspondent.
(8) Jay Cost sur le blog de Ben Witherington du 26 février 2007,
http://benwitherington.blogspot.com/2007/02/jesus-tomb-titanic-talpiot-tomb-theory.html
(9) The improper application of statistics in ‘The Jesus Family Tomb’, Dr. Stephen Pfann, University of the Holy Land, http://www.uhl.ac/JudeanTombsAndOssuaries.html
(10) Jay Cost sur le blog du prof. B. Witherington,
http://benwitherington.blogspot.com/2007/02/problems-multiple-for-jesus-tomb-%20%20%20%20%20%20%20theory.html;
(11) Lettre du professeur Feuerverger du 12 Mars 2007, p. 1,
http://fisher.utstat.toronto.edu/andrey/OfficeHrs.txt

vendredi 25 mai 2007

3. Les ossuaires et leurs inscriptions : correspondent-elles à la famille de Jésus de Nazareth ?

Six des dix ossuaires découverts dans le tombeau de Talpiot portent des inscriptions de noms. Les noms sur les cinq premiers sont en Araméen, le sixième est inscrit en Grec. La question qui nous intéresse est à savoir si les noms inscrits sur les ossuaires correspondent à la famille de Jésus telle que nous la connaissons dans le Nouveau Testament. Nous abordons maintenant chaque ossuaire plus en détail :

1. L’ossuaire IAA 80/505 : « Mariah ».

Aussi bien dans le livre que sur le site, les auteurs prétendent que l’inscription du nom « Marie » est la version latine du nom biblique Myriam en lettres hébraïques. (1) Est-ce que la mère de Jésus était appelée du nom latin de « Marie » dans la vie de tous les jours ? Dans les Evangiles et dans les Actes des Apôtres, tous rédigés en Grec vers les années ’60 du premier siècle, apparaissent deux noms pour Marie : 1) « Mariam », la translittération du nom hébreu en Grec, et 2) « Maria », le nom grec de Marie. Il est remarquable que le nom hébreu de « Mariam » (13 fois) est plus fréquent que le nom grec de « Marie » (11 fois). (2) « Mariam » apparait clairement comme le nom par lequel l’on s’adressait à Marie : « Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Mariam ? » (Mt. 13 : 55). Depuis le récit de la naissance de Jésus jusqu’à la dernière mention après l’ascension, Marie est appelée « Mariam » (3) Il n’y a pas de place pour la version latine du nom de Marie, qui, important à savoir, n’est pas identique du tout au nom grec de Marie. (4) Les Juifs d’Israël parlaient essentiellement l’Araméen, certaines couches cultivées aussi le Grec, mais le latin était la langue des occupants romains. Dans la famille de Jésus de Nazareth, il n’y a pas de place pour le latin comme base du nom de "Mariah".
Deux possibilités nous sont ouvertes :
1) "Mariah" est une transcription araméenne du nom latin de "Maria" : alors il ne s'agit pas de la mère de Jésus. Dans ce cas, cet ossuaire n'est pas celui de la Marie biblique.
2) "Mariah" est une transcription araméenne du nom grec de "Marie" : la possibilité existe qu'il s'agisse de la mère de Jésus, l'ossuaire peut être celui de Marie.

2. L’ossuaire IAA 80/503 : « Jeshua ( ?) bar Joseph »

Cet ossuaire se trouvait à côté du précédant, ce qui suggère que Mariah et Joseph étaient mariés. Alors nous avons une famille composée des parents Joseph et Mariah, avec leur fils Jésus, comme la famille de Jésus de Nazareth.
Un problème important est la lecture de l’inscription. Il n’est pas sûr du tout certain que c’est le nom de « Jésus » qui figure sur l’ossuaire. Même pour les archéologues de référence, A. Kloner et L.Y. Rahmani, qui ont lu le nom comme « Jeshua » il reste un élément de doute qu’ils expriment par un point d’interrogation à côté du nom. (5) Stephen Pfann, un expert en épigraphie de Jérusalem, pense qu’il s’agit du nom de « Hanun ». (6) Le Dr. Craig Evans n’est pas sûr non plus qu’il s’agit bien du nom de « Jésus ». (7) L’inscription sur l’ossuaire en écriture sémitique ancien est très difficile à déchiffrer.
Il y a donc bien un élément de doute : il n’est pas certain qu’il s’agit de « Jésus fils de Joseph », il pourrait aussi bien s’agir d’un « Hanun fils de Joseph » !

3. L’ossuaire IAA 80/502 : « Matia »

Le nom de « Matia » fait penser à « Matthieu », un des douze apôtres de Jésus. Il est appelé aussi du nom de Lévi (Marc 2 : 14). Il n’est pas mentionné parmi les frères de Jésus et, originaire de Capernaüm, aucun lien familial n’est évident. Comme les tombeaux dans les rochers étaient d’ordre familial, les apôtres n’y ont pas été enterrés. La présence de l’ossuaire de « Matia » ne correspond pas à la famille de Jésus de Nazareth.

4. L’ossuaire IAA 80/504 : « Josah »

Ce nom « Josah » ou « Joseh » est une variante du nom de Joseph, nom particulièrement fréquent porté par plus de 8 % des hommes. Souvent le père donnait son nom à un de ses fils (cf. Luc 1 : 59 – 63 : tous les proches sont étonnés quand Zacharie appelle son fils du nom de « Jean »). Trouver dans une famille un père et un fils Joseph (avec une légère variante pour le fils) n’a rien d’exceptionnel. Dans le NT, le nom de « Joseph » (Matthieu 13 : 56) ou de « Joses » (Marc 6 : 3) est donné à un des frères de Jésus.
Il y a pourtant un problème d’identification : sur l’ossuaire le nom est écrit avec les consonnes « JSH » et dans les textes bibliques il s’agit de Joseph (Mt. 13 : 56) ou de Joses (Mc 6 : 3, 15 : 40, 47). La dernière consonne est différente. Cette difficulté est particulièrement soulevée par le professeur Craig. (8) En même temps, la comparaison entre les textes de Matthieu et de Marc montrent qu'une seule et même personne était appelée « Joseph » ou « Joses » : ce dernier nom est donc clairement une variante du premier, pas un tout autre nom comme suggéré par le professeur J. Tabor. (9) Sa prétention que le nom araméen très rare « Josah » n’a été retrouvé qu’à une seule et unique occurrence, c’-à-d. dans l’Evangile de Marc (« Joses » en Grec) n’a aucun appui vu la différence des consonnes. Sur ce point, le livre mène le lecteur en erreur.

5. L’ossuaire IAA 80/501 : « Jehudah bar Jeshua »

Le cinquième ossuaire porte l’inscription « Juda fils de Jésus ». Dans les Evangiles, rien n’est dit d’un éventuel mariage de Jésus (ce qui ne pose aucun problème théologique), encore moins d’enfants ou d’un fils « Juda ». Les pères d’Eglise ne mentionnent aucune descendance de Jésus de Nazareth et le professeur Richard Bauckham remarque à juste titre qu’un éventuel fils de Jésus aurait certainement été exploité par les Gnostiques pour défendre leurs positions ésotériques. (10) La conclusion est claire : l’inscription de cet ossuaire ne correspond pas du tout à la famille de Jésus de Nazareth.

6. L’ossuaire IAA 80/500 : « Mariamenou e (?) Mara »

C’est l’ossuaire qui compte le plus dans l’hypothèse de l’équipe de Monsieur Jacobovici. Pour lui il a le sens de « (Ceci est l’ossuaire) de Mariamne, alias le Maître ». Il s’appuie sur les Actes de l’apôtre Philippe, un texte gnostique daté au plus tôt du 4 siècle. Selon le professeur Bovon, « Mariamne », la sœur de Philippe, serait la très connue « Marie-Madeleine » des Evangiles. D’autre part, il cite l’épigraphiste Tal Ilan, pour qui le nom « Mara » signifie soit « Maître », soit « Seigneur » en Araméen. Entre les deux se trouve un petit trait qui a été lu comme « ou, alias ». Pour les auteurs « Mariamne » était une variante grecque de Marie-Madeleine dès le début du christianisme, elle était originaire de la région de la mer de Galilée, parlait le Grec et était la dirigeante des apôtres. (11)

Beaucoup d’objections se dressent contre cette lecture :

1) Tout d’abord, remarquons que l’inscription est en grec. Il y a discussion sur la présence de la conjonction « ou, alias » (une seule lettre en grec : êta), mais s’il est bien présent alors il faut respecter la cohérence linguistique. Le premier nom est grec, la conjonction est grecque, alors la suite ne peut qu’être grecque aussi. La cohérence de l’emploi de la même langue exclut un sens araméen du mot « mara ». Ceci serait possible si tout était rédigé en araméen, mais cela n’est pas le cas.

2) Le professeur Stephen Pfann lit l’inscription comme « Mariame et Mara » qui désigne deux femmes différentes enterrées dans le même ossuaire à des moments différents. Le nom "Mara" est une abréviation du nom de "Martha". Il n’y a plus rien qui soutient l’identification avec Marie-Madeleine ! (12)

3) Le professeur Richard Bauckham a démontré :
(1) que Marie-Madeleine était appelée « Maria » dans les écrits du premier siècle, également « Mariamme » dans des écrits gnostiques à partir du deuxième siècle ;
(2) que le nom « Mariamne » est une déformation de « Mariamme » apparue au début du 3e siècle dans un contexte hors d’Israël ;
(3) que « Mariamenou » vient du nom de « Mariamenon » qui est un diminutif affectif du nom « Mariamene ».
Ainsi il a établi que le nom « Mariamne » mentionné dans les Actes de Philippe ne provient pas du nom figurant sur l’ossuaire « Mariamenou », mais du nom « Mariamme ». Il n’y a pas de rapport entre « Mariamenou » et « Mariamne » qui est identifié à Marie-Madeleine (13).

4) Le nom « Mariamenon » est un diminutif affectif du nom grec de « Mariamene », ce qui implique qu’il a pu naître uniquement dans une famille parlant le Grec. (14) Ceci ne correspond pas du tout à la famille de Jésus de Nazareth !

5) Le professeur Ben Witherington note que Marie-Madeleine a toujours été nommée du nom « Maria » au premier et au deuxième siècle, jamais du nom de « Mariamene ». (15) Il devient donc impossible d’identifier l’inscription de l’ossuaire avec la personne de Marie-Madeleine.

6) Jodi Magness évoque qu’il n’existe aucune confirmation du premier siècle que Marie-Madeleine était la dirigeante de l’Eglise chrétienne. D’autre part, elle venait de la petite ville de Magdala sur les rives Ouest du Lac de Galilée : dans ce village de pêcheurs, le Grec n’était pas une langue courante ! (16)

7) M. Jacobovici et son équipe se basent sur les Actes de l’apôtre Philippe. Dans ce texte il n’est pas clair si Mariamne la sœur de Philippe est bien la même personne que Marie-Madeleine du Nouveau Testament. Dans le dernier chapitre, Philippe subit le martyre sous la 8e année de l’empereur Trajan, c’-à-d. en l’an 105. Mariamne partit vers le fleuve Jourdain : elle s'est donc rendue dans son pays d'origine où elle est décédée plus tard. Si Mariamne était Marie-Madeleine, elle aurait été plus que centenaire ! Si elle est décédée après l'an 105, il est impossible qu'elle ait été placée dans un ossuaire à Jérusalem, pratique disparue suite à la chute de la ville en l'an 70 ! (17)

8) Et la cerise sur le gâteau n’a encore été relevée par personne jusqu’ici : dans les Actes de l’apôtre Philippe, Mariamne a dépassé la gloire de l’apôtre Philippe, « parce qu’elle ne s’est pas livrée à la procréation » ! Elle s’était entièrement habillée comme homme afin de ne pas être reconnue comme femme et ne pouvait se conformer à la « pauvreté » d’Eve : elle devait s’abstenir des relations sexuelles pour ne pas transmettre le mal par l’hérédité. (18). M. Jacobovici identifie Mariamne des Actes de l'apôtre Philippe à Marie-Madeleine, mais elle ne s’est pas livrée à la procréation : elle ne convient ni comme l’épouse de Jésus, ni comme mère de leur fils Juda !

Conclusion : l’identification de Mariamenou à Marie-Madeleine est totalement impossible, même les Actes de l'apôtre Philippe s'opposent aux prétentions de l’équipe de M. Jacobovici.

Appréciation générale :

Quatre noms correspondent à la famille de Jésus de Nazareth : celui de Joseph, de Marie (si d'origine grecque), de Jésus et de Josah (parce qu’une variante du nom de Joseph).

Le nom de Jésus dans l’inscription « Jésus fils de Joseph » est incertain, pourrait être lu « Hanun ».

Les inscriptions « Juda fils de Jésus », « Mariah » (si d’origine latine), « Matia » et « Mariame et Mara » ne correspondent pas à la famille de Jésus de Nazareth.

Et où sont les autres frères et sœurs de Jésus : Jacques, Simon, Jude, Marie et Salomé ?

Manifestement, cette famille ne correspond pas à ce que nous savons de la famille de Jésus de Nazareth.

Toutes les évidences attestent que le tombeau de Talpiot appartenait à une famille quelconque de Jérusalem du 1er siècle.

Emile Carp

(1) Le Tombeau de Jésus, Simcha Jacobovici & Charles Pelligrino, p. 40, Editions Michel Lafon, 2007, site web
http://www.jesusfamilytomb.com/holy_family/mary.html
(2) « Mariam » (nom hébreu translittéré en Grec) : Mt. 13 : 55, cf. Luc 1 : 27, 30, 34, 38, 39, 46, 56 ; 2 : 5, 16, 19, 34, Actes 1 : 14. « Maria » (nom grec) : Mt. 1 : 16, 18, 20 ; 2 : 11 ; 27 : 56 ; Mc. 6 : 3 ; 15 : 40, 47 ; 16 : 1 ; Luc 1 : 41, 24 : 10. Dans les traductions bibliques françaises, la différence n’apparaît pas.
(3) M. Jacobovici écrit « la mère du Seigneur est toujours désigné par le même nom : Maria. Il n’est jamais question de Myriam … » (op. cit. p. 272). Ceci est faux : dès les années ’60, la mère du Seigneur est appelée « Mariam » dans trois livres bibliques, et ce nom est manifestement la translittération de son nom usuel.
(4) Prof. R. Bauckham, The Alleged Jesus’ Family Tomb,
http://www.christilling.de/blog/2007/03/guest-post-by-richard-bauckham.html
(5) Dr. Craig A. Evans, The Tomb of Jesus and Family ? Second Toughts. http://www.craigaevans.com/tombofjesus.htm
(6) The Jesus Family Tomb, Fact or Fiction ?, http://www.y-zine.com/tomb.htm
(7) Dr. Craig A. Evans, The Tomb of Jesus and Family ? Second Toughts. http://www.craigaevans.com/tombofjesus.htm
(8) Idem
(9) Le Tombeau de Jésus, Simcha Jacobovici & Charles Pelligrino, p. 100 – 101, Editions Michel Lafon, 2007. (nous soulignons)
(10) The alleged « Jesus family tomb », http://www.christilling.de/blog/2007/03/guest-post-by-richard-bauckham.html
(11) Le Tombeau de Jésus, Simcha Jacobovici & Charles Pelligrino, p. 43, 113, 142 – 144, Editions Michel Lafon, 2007. (nous soulignons)
(12) Mary Magdalena is now missing : a corrected reading of ossuaries CJO 701 and CJO 108, Stephen J. Pfann, Ph.D., University of the Holy Land, 2007.
http://www.uhl.ac/MariameAndMartha/
(13) Prof. R. Bauckham, The Alleged Jesus’ Family Tomb,
http://www.christilling.de/blog/2007/03/guest-post-by-richard-bauckham.html
(14) Idem
(15) Problems Multiply for Jesus Tomb Theory, Ben Witherington, http://benwitherington.blogspot.com/2007/02/problems-multiple-for-jesus-tomb-theory.html (16) Has the Tomb of Jesus been Discovered, Jodi Magness, 5 Mars 2007 : http://www.sbl-site.org/Article.aspx?ArticleId=640
(17) Actes de l’apôtre Philippe, Fr. Amsler, Fr. Bovon et B. Bouvier, Brepols 1996, p. 221 et 240. Rien dans le texte des Actes de Philippe n’indique que Mariamne serait retournée à Jérusalem où elle aurait fini ses jours (cf. Le Tombeau de Jésus, p. 273 : fausse affirmation).
(18) Idem, introduction p. 61 – 62, texte chapitre VIII. p. 176 – 179 + note 339

2. L'archéologie permet-elle d'identifier le tombeau de Talpiot avec celui de Jésus ?

Les quelque 900 tombeaux taillés dans les rochers calcaires de Jérusalem du premier siècle avant notre ère jusqu’à la destruction de Jérusalem en l’an 70 comportaient une antichambre surmontée d’un monument devant l’entrée proprement dite qui donnait accès au tombeau. Ainsi, chaque tombeau était facilement reconnaissable. Un court couloir descendait dans la chambre funéraire. Des lits funéraires étaient taillés dans les murs, et au niveau du sol des niches funéraires (loculi) accueillaient les ossuaires, lourdes boîtes en pierre dans lesquels les ossements étaient rassemblés. Vers l’an 10 avant notre ère, la coutume des ossuaires est apparue. Un an après les funérailles quand le corps était totalement décomposé, les restes des os étaient placés dans un ossuaire. Quelque fois, le nom du défunt était inscrit sur une des faces extérieures. Le tombeau de Talpiot a tous les caractéristiques d’un tombeau de cette période : il avait une antichambre avant l’entrée dont les derniers restes ont été détruits par les bulldozers, une grande chambre funéraire avec deux lits funéraires, et pas moins de 6 niches. Selon le professeur Craig Evans, 35 personnes auraient été enterrés dans ce grand tombeau, dont la moitié dans les dix ossuaires. (1) Il a servi pendant trois ou quatre générations, a donc été construit bien avant la mort de Jésus le vendredi 3 avril de l’an 33.

L’autre mode de funérailles était l’inhumation en pleine terre. (2) C’était le cas pour la plus grande partie de la population qui ne pouvait se payer un tombeau coûteux. Une tranchée était creusée avec au fond une cavité cylindrique dans lequel le corps était posé, entouré d’un linceul. La cavité était fermée avec des briques, puis la tranchée remplie de terre. Une stèle pouvait être érigée au-dessus de la tombe pour identifier l’endroit. Les restes du défunt n’étaient jamais déterrés pour être placés dans un ossuaire. L’emploi des ossuaires n’est attesté que dans le cadre des tombeaux taillés dans le roc.

Difficultés d’identification du tombeau de Talpiot comme étant celui de la famille de Jésus :

(1) La famille de Jésus n’était pas riche.
Lors de sa présentation au temple, ses parents offraient en sacrifice une paire de jeunes pigeons (Luc 2 : 23), le sacrifice des pauvres, et son père d’adoption Joseph était charpentier (Matthieu 13 : 55). Tous les renseignements dont nous disposons excluent que la famille avait les moyens de se faire tailler un caveau dans les rocs, surtout quand il est évident que ce tombeau existait bien avant que Jésus ne commence son ministère public. Il est donc exclu de compter sur la libéralité des disciples fortunés de Jésus : dans ce cas, le tombeau ne pourrait être construit que bien après l’an 30.

(2) La famille de Jésus vivait à Nazareth.
Si la famille avait eu un tombeau familial taillé dans le roc, c’est à Nazareth qu’il devait se trouver. (3) La Loi juive exigeait des funérailles dans les 24 heures après la mort (Deut. 21 : 22 – 23), il fallait donc enterrer les défunts proche du lieu du décès. Ainsi, il n’était pas envisageable du tout pour la famille de Nazareth de se faire construire un tombeau familial à plus de 100 km de distance. Le professeur Amos Kloner, archéologue responsable de la fouille du tombeau de Talpiot, déclare que la famille de Jésus était "une famille galiléenne sans liens avec Jérusalem." (4) L’archéologie nous apprend que chaque famille avait son tombeau là où elle vivait. Ainsi les rois hasmonéens avaient leurs tombeaux dans le village de Modiin proche de la côté méditerranéenne (5), et le roi Hérode le Grand, de qui l’on vient de découvrir le sarcophage, était enterré à côté de l’Hérodion, son palais au Sud de Jérusalem. (6) Les familles construisaient leur tombeau là où ils vivaient, c’est donc en Galilée qu’il faut chercher une éventuelle tombe de la famille de Jésus. D’autant que nous puissions le savoir, aucun des 900 tombeaux découverts à Jérusalem n’appartenait à une famille résidant à 50 km ou plus de la ville.

(3) L’ensevelissement du corps de Jésus dans le tombeau de Joseph d’Arimathée (Matthieu 27 : 57 – 60) exclut un tombeau de la famille de Jésus à Jérusalem.
En effet, si la famille de Jésus possédait un caveau proche de Jérusalem, c’est là que ces disciples auraient déposé son corps. Jodi Magness écrit : « Quand les Evangiles nous racontent que Joseph d’Arimathée a offert à Jésus une place dans son tombeau, c’est parce que sa famille ne disposait pas d’un tombeau taillé dans le roc et qu’il n’y avait plus de temps de creuser une tombe en pleine terre ». (7) L’abbé Emil Puech de l’Ecole Biblique de Jérusalem fait la même affirmation. (8)

(4) Le tombeau de Joseph d’Arimathée exclut toute possibilité de découverte d’un ossuaire contenant les restes de Jésus à Jérusalem.
Les tombeaux étaient d’ordre familial, c’est donc pour respecter le repos du sabbat que Joseph d’Arimathée a accueilli le corps de Jésus dans son caveau. Il n’était pas interdit de ré-enterrer un corps quelques jours plus tard. (9) Ainsi, les proches de Jésus auraient pu creuser une tombe en pleine terre quelques jours plus tard pour y déposer sa dépouille. Mais dans tel cas, les os n’étaient jamais remontés à la surface pour être placés dans un ossuaire. D’autre part, nous avons déjà attesté sous le point précédant que le tombeau de Joseph d’Arimathée exclut un tombeau de la famille de Jésus à Jérusalem. C’est étonnant : le tombeau de Joseph d’Arimathée rend toute possibilité de découverte d’un ossuaire de Jésus à Jérusalem totalement impossible !

(5) Aucune inscription des ossuaires n’indique le lieu de provenance.
Un archéologue israélien réputé, le professeur L.Y. Rahmani, a constaté que quand quelqu’un qui n’était pas originaire de la région était enterré dans un tombeau de Jérusalem, son lieu de provenance était indiquée, p.ex. « Simon de Ptolemais ». Quand le défunt provenait de Jérusalem, son ascendance paternelle était indiqué : p.ex. « Martha, fille de Hananya ». Cela veut dire que si le tombeau de Talpiot appartenait à la famille de Jésus, au moins plusieurs ossuaires devraient indiquer son lieu d’origine : Jésus de Nazareth, Marie de Magdala, … Ou aucun ossuaire ne porte la moindre indication d’une localité non-Judéenne. Cette absence totale indique que le tombeau appartenait à une famille originaire de Jérusalem !

(6) Talpiot : trop grand pour la famille de Jésus. L’essentiel de la famille de Jésus vivait en Galilée. Seul son frère aîné Jacques est venu vivre à Jérusalem, probablement avec sa famille (cf. 1 Cor. 9 : 5). Peut-être Marie a-t-elle encore vécu à Jérusalem ? Cela fait au plus une bonne dizaine de personnes, pourtant dans ce tombeau les restes de quelque 35 personnes ont été découvertes. La grandeur du tombeau ne correspond pas à la famille réduite de Jésus à Jérusalem. (10)

(7) Si Jésus était enterré dans le tombeau de Talpiot, il n’y aurait jamais eu de foi en la résurrection.
En effet, les autorités juives connaissaient le tombeau de Talpiot et à qui celui-ci appartenait. S’il avait appartenu à la famille de Jésus, c’est là qu’ils se seraient rendus dès le dimanche de Pâques. Cela ne leur aurait même pas demandé une heure pour vérifier que Jésus était couché sur un des lits funéraires du tombeau (arcosolia). En effet, ce n’était qu’un an après le décès que les ossements restants étaient placés dans un ossuaire. Tous ceux qui étaient perplexes devant le tombeau vide de Joseph d’Arimathée savaient où ils devaient chercher. Les Juifs auraient trouvé son corps et tous les rumeurs de résurrection aurait disparu à l’instant. Si le corps de Jésus se trouvait dans le tombeau familial à Talpiot, les autorités juives n’ont pas pu ne pas aller vérifier sur place et il n’y aurait jamais eu de religion chrétienne.

Appréciation :

L’ensemble des difficultés archéologiques rend l’hypothèse du tombeau de Talpiot comme tombe familiale de la famille de Jésus totalement impossible. Rien que ce que j’appelle le « Nazareth factor » est doublement tranchant : 1) le tombeau familial se trouvait là où la famille résidait : s’il y avait un tombeau familial il devait se trouver à Nazareth et 2) l’absence de toute indication du lieu d’origine sur tous les ossuaires découverts dans le tombeau de Talpiot. Sous le chapitre des calculs de probabilité, nous tiendrons compte de ces deux facteurs dont l’équipe de M. Jacobovici n’a pas tenu compte pour constater le renversement total des calculs de probabilité.

Pour que l’hypothèse de M. Jacobovici puisse être défendable, il aurait dû prétendre que Jésus et sa famille vivaient à Jérusalem. Dans ce cas il aurait pu argumenter son point de vue. Ou que lisons-nous dans la première ligne de son premier chapitre ? « La crucifixion de Jésus de Nazareth est la mort la plus célèbre de l’histoire. » (11) Il confirme bien que Jésus était originaire de la Galilée ! D’autre part, pour défendre son point de vue, M. Jacobovici aurait pu nier le passage du corps de Jésus par le tombeau de Joseph d’Arimathée. Et que lisons-nous dans le 2e paragraphe de son premier chapitre ? « Les Evangiles nous disent que son corps fut … placé dans le tombeau de famille de l’un de ses disciples, Joseph d’Arimathie. » (12) Ainsi, à la lumière des découvertes archéologiques, M. Jacobovici rend toute sa théorie impossible dès la première page de son livre !

Emile Carp

(1) Le Dr. Craig Evans, cité dans « The Jesus Family Tomb : Fact or Fiction ? » http://www.y-zine.com/tomb.htm
(2) Jodi Magness, “What did Jesus’ Tomb Look Like ?” ,The Burial of Jesus. Biblical and Archaeology Society, Washington 2007. Vous pouvez télécharger ce e-livre à l'adresse : http://jesustomb.bib-arch.org/
(3) « Has the Tomb of Jesus been Discovered », Jodi Magness, 5 Mars 2007 : http://www.sbl-site.org/Article.aspx?ArticleId=640, cf. Joe Zias, “The Jesus Family Tomb : Fact or Fiction ?”, http://www.y-zine.com/tomb.htm
(4) Amos Kloner dans le Jerusalem Post du 27/02/2007, « Ce n'est pas vraisemblable la famille de Jésus ait une tombe familiale »
http://www.mondedelabible.com/article/index.jsp?docId=2296909
(5) Jodi Magness, “What did Jesus’ Tomb Look Like ?” ,The Burial of Jesus. Biblical and Archaeology Society, Washington 2007. http://jesustomb.bib-arch.org/
(6) “On aurait découvert la tombe de Hérode”, journal Le Soir du 9 Mai 2007, p. 38
(7) Jodi Magness, “What did Jesus’ Tomb Look Like ?” p. 13 ,The Burial of Jesus. Biblical and Archaeology Society, Washington 2007. http://jesustomb.bib-arch.org/
(8) Emil Puech, L’ossuaire de Jacques, le frère de Jésus, http://www.revue-kephas.org/03/1/Puech41-46.html
(9) Jodi Magness, « Ossuaries and the Burials of Jesus and James », Journal of Biblical Literature 124/1, p. 144, 2005.
(10) Prof. R. Bauckham, The alleged Jesus’ Family Tomb, publié sur le blog de Ben Witherington, article The Smoking Gun – Tenth Talpiot Ossuary Proved to be Blank:
http://benwitherington.blogspot.com/2007/03/smoking-gun-tenth-talpiot-ossuary_9874.html
(11) Le Tombeau de Jésus, Simcha Jacobovici & Charles Pelligrino, p. 19, Editions Michel Lafon, 2007. (nous soulignons)
(12) Idem.

1. La découverte et l'importance du tombeau de Talpiot


Le vendredi 28 mars 1980, lors des travaux de terrassements dans le quartier de Talpiot au Sud de Jérusalem, l’entrée d’un ancien tombeau taillé dans le roc a été dégagée. Au-dessus de l’entrée se trouvait un disque surmonté d’un chevron, qui, sur les photos prises, permettent désormais de clairement identifier ce tombeau des quelque 900 autres des alentours de Jérusalem.

Deux jours plus tard, le dimanche 30 mars, les archéologues sont arrivés sous la direction du professeur Amos Kloner. Ils sont entrés dans le tombeau par un court couloir en descente pour se retrouver dans une chambre funéraire équipée de deux lits funéraires (arcosolia) où les corps des défunts étaient déposés après le décès et de 6 niches (loculi) au ras du sol. Dans ces niches, ils ont découvert 10 ossuaires, des boîtes en pierre dans lesquels les ossements étaient rassemblés un an après les funérailles.

Au premier regard, cette découverte n’avait rien d’exceptionnel. Les habitants les plus riches de Jérusalem faisaient creuser des tombes dans le roc pour y enterrer leur famille. Des centaines de ces tombes ont été découvertes. Puis, à partir de +/- l’an ’20 avant notre ère jusqu’à au moins l’an ’70 (la destruction de Jérusalem), l’emploi des ossuaires est devenu une coutume. Ce tombeau de Talpiot date donc bien du 1er siècle, du temps de Jésus.

L’un après l’autre, après avoir évacué une épaisse couche de terra rossa, les archéologues ont sorti les ossuaires du tombeau. Chacun a été nettoyé sur place, mesuré et décrit. Un premier sujet d’étonnement était que 6 ossuaires portaient des inscriptions des noms des défunts : « Marie », « Jésus fils de Joseph », « Matthieu », « Josah », « Juda fils de Jésus » et « Mariamenouemara ». Jésus, Joseph, Marie, Matthieu sont des noms connus du Nouveau Testament : les trois premiers comme la famille de Jésus, le quatrième comme un des douze disciples.

Même si l’occurrence des noms n’était qu’une coïncidence pour Amos Kloner et son équipe, en 1996 la BBC a transmis un documentaire de Ray Bruce qui suggérait qu’on aurait trouvé le tombeau de la famille de Jésus. Le documentaire a été sévèrement critiqué par les archéologues de renom, dont l’équipe du professeur Amos Kloner, et l’attention s’en est vite détournée.

Le 4 mars 2007, la chaîne Discovery Channel a présenté le documentaire « Le Tombeau perdu de Jésus », produit par le journaliste Simcha Jacobovici et le réalisateur James Cameron (connu pour le film Titanic). Plus de 4 millions de personnes aux Etats-Unis et au Canada ont suivi ce programme. En même temps, le livre « Le Tombeau de Jésus » a été publié à des milliers d’exemplaires.

Dans le documentaire et dans le livre, les auteurs reprennent la thèse que le tombeau de Talpiot serait le Tombeau de Jésus. Leurs affirmations dépassent celles de la BBC 11 ans plus tôt :
1) l’ossuaire de « Mariamenouemara » serait l’ossuaire de Marie-Madeleine ;
2) les noms trouvés étaient fréquemment utilisés, mais l’ensemble des noms serait plus qu’étonnant. Selon une étude faite par un professeur en statistiques, il y aurait 599 chances sur 600 que ce tombeau serait celui de la famille de Jésus de Nazareth !
3) l’ADN contenu dans les parois des ossuaires « Jésus fils de Joseph » et de « Mariamenou » a été analysé pour conclure qu’ils n’avaient pas de lien maternel. Ils pourraient donc bien avoir été mariés, Jésus et Marie-Madeleine auraient été mariés.
4) En plus, ils auraient eu un fils appelé « Juda », qu’ils ont identifié au « disciple que Jésus aimait »
5) Le dixième ossuaire aurait été perdu. L’équipe de M. Jacobovici a fait analyser la patine (la couche formée à la surface le long des années) de l’ossuaire de Jacques et l’a comparée aux analyses des ossuaires du tombeau de Talpiot, pour conclure que l’ossuaire de Jacques viendrait aussi du même endroit, et renforcerait ainsi la probabilité qu’il s’agisse de la tombe familiale de Jésus, car Matthieu 13 : 55 et Marc 6 : 3 mentionnent « Jacques » comme premier frère du Seigneur !

Passionnant ! Les statistiques, les analyses génétiques de l’ADN mitochondrial, les analyses chimiques des diverses patines, ne démontrent-ils pas clairement que les archéologues avaient tort ? N’est-ce pas un véritable travail d’experts qui vient d’être présenté ici ? Et le chrétien, n’a-t-il pas tout à gagner par la découverte des premières traces archéologiques de la famille de Jésus : l’ossuaire de Jésus fils de Joseph, de sa mère Marie, de Marie-Madeleine, de leurs fils Judah, de deux de ses frères : Jacques et Joseph ? Ceux qui ont toujours nié l’existence historique de Jésus se sont trompés !

D’autre part, si cette tombe est bien celle de la famille de Jésus de Nazareth, alors Il n’est pas ressuscité d’entre les morts, alors sa résurrection n’est que « spirituelle ». C’est bien là la question essentielle, l’enjeu fondamental des discussions autour de ce tombeau.

Il n’y a que deux issus possibles :
1) soit ce tombeau appartient à la famille de Jésus de Nazareth : alors nous disposons de maints indices matériels de l’historicité de Jésus, mais Il est resté physiquement mort, sa résurrection n’est que spirituelle,
2) soit ce tombeau concerne une famille quelconque de Jérusalem du 1 siècle : alors nous n’avons aucun indice matériel de Jésus, non plus de sa tombe. Dans ce cas, la résurrection reste un mystère qui interpelle d’autant plus !

Que vous soyez chrétien ou non, ce sujet ne laisse personne indifférent.

Nous abordons le sujet en plusieurs chapitres. Si vous voulez, vous pouvez laisser vos commentaires. Nous vous demandons de rester dans le sujet abordé, d’écrire avec respect quel que soit votre point de vue, d’ajouter vos réflexions et liens vers d’autres articles.

Merci d’avance pour votre lecture et contributions !