jeudi 27 mars 2008

Bilan 1 an après la sortie du livre et du film


James Cameron, Simcha Jacobivici et plusieurs spécialistes de leur choix ont présenté l’hypothèse de la découverte du tombeau de la famille de Jésus lors d’une conférence de presse le 26 février 2007. Les chaînes américaines ont diffusé le documentaire The Lost Tomb of Jesus quelques jours plus tard, le dimanche 4 mars, suivi de la transmission en français sur TF1 le mardi 29 mai.

Un an s’est écoulé depuis que nous avons commencé à étudier le sujet, temps de faire un bilan.

1) Les progrès scientifiques depuis la première diffusion du documentaire.

1. La lecture de l’inscription « mariamenouemara » est erronée et corrigée par Emile Puech et Stephen Pfann en « Mariamè kai Mara », c'est-à-dire « Marie et Marthe ». Cette nouvelle lecture est désormais généralement acceptée. L’ossuaire concerné a recueilli les restes de deux femmes, Marie et Marthe, non pas ceux de Marie-Madeleine. Cette relecture est sans doute le progrès scientifique le plus significatif !
2. Dans les Actes de Philippe, Mariamne a survécu à l’apôtre Philippe mort vers l’an 105 : elle ne pouvait être enterrée dans un ossuaire à Jérusalem, car après la de destruction de la ville en l’an 70, plus personne n’y est enterrée dans des ossuaires. D’autre part, ce texte ne dit pas que Mariamne est décédée à Jérusalem, mais simplement qu’elle partit vers le fleuve du Jourdain (p. 240). Et nous avons remarqué que si Mariamne a surpassé les autres apôtres, c’est parce qu’elle s’est travestie en homme et ne s’est pas livrée à la procréation (1). Ainsi, les Actes de Philippe présentent des problèmes insurmontables pour l’hypothèse de Monsieur Jacobovici.
3. Le professeur R. Bauckham a démontré de façon convaincante que le nom de Mariamne mentionné dans les Actes de Philippe ne vient pas du nom Mariamenou, mais est une évolution du nom de Mariamme au 3e siècle. Ainsi, il n’y a plus de rapport entre Mariamenou et Marie-Madeleine !

L’ensemble de ces 3 éléments exclut totalement la possibilité que l’ossuaire en question ait contenu les restes de Marie-Madeleine. Et c’est bien l’élément clé de l’hypothèse (2) qui est définitivement éliminé.

4. La correction du calcul statistique en éliminant les présupposés erronés et en y intégrant la constatation de L.Y. Rahmani aboutit à une probabilité de maximum 0,94 % que le tombeau de Talpiot soit celui de Jésus. Pour aboutir à ce résultat, il a été tenu compte que seulement 50 % des inscriptions des étrangers comportaient la mention leur ville d’origine. Il est vraisemblable que le nombre d’oublis était moins élevé, et par conséquent la probabilité peut être bien inférieure à 0,94 % (3). D’autre part, pour que le tombeau soit celui de la famille de Jésus, il faut aussi intégrer la probabilité que lors de la découverte du tombeau vide de Joseph d’Arimathée, les Juifs n’aient pas vérifié le tombeau familial. Alors la probabilité est bien moindre que le pourcentage cité. D’autres calculs faits par plusieurs chercheurs ont produit des probabilités inférieures à 1 %. C’est sans doute le deuxième progrès scientifique le plus significatif.
5. L’inscription « Mariah » ne peut pas être d’origine latine. Nous avons expliqué cet argument et nous l’avons défendu avec succès dans les discussions. D’autre part, nous laissons la possibilité ouverte que le nom de « Mariah » puisse être une translittération à partir du grec. Il est apparu que Marie, la mère de Jésus, était encore souvent appelé « Mariam », nom araméen translittéré en grec dans le Nouveau Testament et plus fréquent que le nom grec de Marie.
6. Plusieurs commentateurs ont relevé l’extrême pauvreté des études de l'ADN. Seul le contenu de deux ossuaires a été examiné, l’on n’a pas posé la question s'ils ont contenu les restes d'une ou de plusieurs personnes, certains fragments examinés posent des questions (cf. ci-dessous). Dans un tombeau multi-générationnel, bien plus de relations familiales étaient possibles que celle du couple. Nous demandons que d’autres recherches soient faites sur les restes des autres ossuaires.
7. A partir des historiens Flavius Josèphe et Hégésippe, nous avons démontré que l’ossuaire « Jacques fils de Joseph, frère de Jésus » ne peut pas être l’ossuaire de Jaques le frère du Seigneur, lapidé à mort en l’an 62 hors des murs de Jérusalem. L’ossuaire désigne un des 20 autres candidats possibles de la ville. Si cet ossuaire se trouvait dans le tombeau de Talpiot, comme M. Jacobovici le pense, alors il disqualifie le tombeau de Talpiot comme celui de la famille de Jésus. Si l’ossuaire en question provient d’un autre tombeau, alors il n’influence en rien ce présent débat. (4)

En plus de l’argument clé qui ne tient plus et de la probabilité statistique qui est totalement inversée, la conclusion de l’étude ADN démontre une grande faiblesse scientifique. Les historiens démontrent que ce tombeau est disqualifié comme celle de la famille de Jésus si l’ossuaire de Jacques s'y trouvait. Les progrès scientifiques ont renversé l’hypothèse du livre.

2) Les réactions des hommes de science qui ont collaboré au projet.

Jusqu’en ce jour, le site internet The Lost Tomb of Jesus mentionne les noms de bon nombre de scientifiques. Plusieurs ont été interviewés dans le documentaire, d’autres ont collaboré. Après la diffusion du film, la majorité a désapprouvé l’hypothèse. Le Dr. Stephen Pfann donne un aperçu détaillé de leurs réactions dans l’article « Cracks in the Foundation. The Experts Weigh In and Bow Out. » (4)
- Amos Kloner (archéologue) : pour lui il est totalement impossible d’identifier ce tombeau avec celui de la famille de Jésus sur base des noms trouvés. Il y a au moins 3 ou 4 inscriptions « Jésus fils de Joseph » sur d’autres ossuaires, les noms étaient très fréquents.
- Joe Zias (archéologue) : atteste qu’un ossuaire avec l’inscription d’un seul nom peut bien avoir contenu les restes de 6 personnes différentes. Cela met en cause les études de l’ADN.
- Frank Moore Cross (professeur émérite d’Hébreu) : il a bien lu le nom de « Jésus » sur l’ossuaire, mais pas plus. Pourtant, il affirme clairement que tous ces noms étaient tellement fréquent à Jérusalem que les statistiques n’ont rien de convainquant. La caméra n’a pas repris cet élément, mais la référence d’un professeur de Harvard University donne tant de crédit …
- Stephen Pfann (épigraphiste de Jérusalem) : il s’est d’emblée méfié et a demandé de ne pas être interviewé. Il a écrit plusieurs études sur le sujet, notamment celui de la relecture de « Marie et Marthe » (6). Il tient à préciser qu’il n’a pas assisté l’expert légal Steven Cox.
- Carney Matheson (expert scientifique paléo-ADN) : « Les seules conclusions que nous avons tiré étaient que ces deux personnes n’avaient pas de lien maternel. Pour moi cela ne ressemble à absolument rien. »
- Charles Pellegrino (paléontologiste et auteur) : il exprime son étonnement de ce qu’il n’a vu aucune trace des os de Jésus, même pas des traces laissées habituellement lors de la détérioration des os. Il conclut que les os ont dû être enlevés de l’ossuaire il y a de longs siècles…
- Rober Genna (Directeur du laboratoire légal, New York) : il n’est pas sûr que les analyses de la patine indiquent que les ossuaires viennent du même tombeau.
- Steven Cox (expert légal) : concernant la patine de l’ossuaire de Jacques et de Jésus, il note que les résultats peuvent indiquer que les ossuaires proviennent de la même carrière (pas du même tombeau) ! Il critique aussi la méthodologie du film qui part d’une idée préconçue, cherche les éléments qui la soutiennent sans appliquer une méthodologie scientifique confirmée. Il a relevé un bon nombre d’erreurs d’analyse.
- Tal Ilan (professeure d’Hébreu) : elle était en colère quand elle a appris comment les auteurs du film ont exploité son œuvre. « Je crois que c’est malfait. Je suis fâchée. »
- Andrey Feuerverger (professeur de statistique) : dans une lettre datée du 12 mars 2007, il a renié l’essentiel de son travail, c'est-à-dire l’identification de la probabilité de 1/600 avec la famille de Jésus. Il a juste calculé la probabilité que ces noms se trouvent ensemble à un même endroit, mais l’identifier à la famille de Jésus est bien plus complexe ! Discovery Channel a reconnu cette erreur et l’a supprimée de son site ! Sa rétraction est certainement la plus significative : la probabilité de 1/600 n’a plus rien à voir avec la famille de Jésus !
- François Bovon : il affirme que Mariamne n’a rien à voir avec la personne historique de Marie-Madeleine, mais avec l’évolution théologique de Marie-Madeleine dans le gnosticisme du 4e siècle.

Les distances prises par tant d’hommes et une femme de science démontrent que l’hypothèse de Monsieur Jacobovici est contestable à beaucoup de niveaux.

3) L’avis de la revue scientifique « La Recherche »

Nous terminons avec la conclusion de la revue scientifique « La Recherche » dans le numéro du mois de Janvier 2008 (7). A la fin de son article « Le vrai-faux tombeau de Jésus », Estelle Villeneuve écrit :

« En définitive, aucun des arguments principaux sur lesquels repose la thèse développée dans le tombeau perdu de Jésus ne résiste à la critique scientifique. » (p. 57)

Nous étions déjà arrivés à la même conclusion fin mai – début juin 2007, mais nous sommes heureux de le lire sous la plume d’une scientifique.

Et dans l’introduction l’auteure remarque non pas sans humour et sagesse : « La prudence est toutefois de rigueur devant les annonces spectaculaires, surtout lorsqu’elles sont faites par des cinéastes. » (p. 55)

Notes :

(1) Actes de l'Apôtre Philippe, p. 176 note 339, p. 179.
(2) Le Tombeau de Jésus, Simcha Jacobovici & Charles Pelligrino, p. 128, Editions Michel Lafon, 2007.
(3) Dans une correspondance avec Jody Magness, elle écrit que dans tous les cas où elle a étudié les inscriptions d’une personne connue d'origine étrangère, son lieu de provenance était indiquée (e-mail du 21 avril 2007).
(4)Il reste donc plusieurs questions ouvertes pour la recherche scientifique : 1) des analyses du DNA de tous les ossuaires, y compris celui de Jacques, 2) la reprise des analyses de la patine pour répondre aux critiques méthodologiques et de l’origine de la carrière, 3) une détermination plus pointue du pourcentage des oublis du lieu d’origine (Rahmani), 4) une inscription sur le fond d’un des arcosolia, illisible sur les photos actuelles, 5) fouilles dans le tombeau à côté du nôtre.
(6) « Mary Magdalene is now missing”, http://www.uhl.ac/MariameAndMartha/
(7) La Recherche, mensuel n° 415, janvier 2008, article « Le vrai-faux tombeau de Jésus » par Estelle Villeneuve, p. 55 – 57.

1 commentaire:

Ludo a dit…

Très bon travail, je viens de dévorer votre blog concernant le tombeau de Talpiot, et j'avoue avoir été agréablement surpis par ce que j'y ai lu.
Pourquoi agréablement ? Tout simplement parceque provenant d'un pasteur, j'avais peur que la démonstration soit volontairement orientée, que l'annonce d'une tombe de Jésus soit volontairement démontée, afin de prouver une résurrection de ce même Jésus.
Or, tous vos articles sont clairs, parfaitement documentés, et font comprendre quelles sont les failles scientifiques concernant la tombe de Talpiot !
Encore une fois, je tiens à vous féliciter pour avoir regrouper toutes vos informations, et avoir démontrer que la tombe de Talpiot ne pouvait être celle de Jésus des saintes écritures.