lundi 28 mai 2007

4. Le calcul de probabilité du professeur Feuerverger tient-il debout ?


Voici la version améliorée du 13 mars 2008 !

L’équipe de Mr. Jacobovici a fait appel aux services du professeur A. Feuerverger de l’Université de Toronté pour calculer la probabilité que le tombeau de Talpiot soit celui de la famille de Jésus de Nazareth. Il s’est basé sur la fréquence des noms. (1) La majorité des noms trouvés sur les ossuaires étaient très courants à cette époque.

Voici les chiffres cités par le professeur R. Bauckham :
a) sur 2625 noms d’hommes, 8,3 % s’appelait Joseph, 3,4 % s’appelait Jésus, 6,2 % s’appelait Juda et 2,4 % s’appelait Matthieu ;
b) sur 328 noms de femmes 21,4 % s’appelait Marie et 6,1 % s’appelait Marthe. (2)

Pour calculer la probabilité que le tombeau de Talpiot n’ait pas appartenu à la famille de Jésus de Nazareth, le professeur Feuerverger s’est servi de la formule :

1
_______________________________________________
[(Jésus fils de Joseph x Mariah x Mariamenou x Josah) : 4] : 1000


Il a attribué la valeur de 1 : 190 à « Jésus fils de Joseph », de 1 : 4 à « Marie », de 1 : 160 à « Mariamenou » et de 1 : 20 à « Josah ». La multiplication donne le total d’une chance sur 2.432.000 de trouver ces 4 noms ensemble. Il a divisé ce chiffre par 4 pour tenir compte de l’absence des frères de Jésus (Jacques, Jude) et finalement par 1000 qui représente le nombre maximal des tombes à Jérusalem.

1
_______________________
[(190 x 4 x 160 x 20) : 4] : 1000


Le résultat final est de 1 chance sur 608, arrondi à 1 chance sur 600 (0,17 %) que ce tombeau ne soit pas celui de la famille de Jésus de Nazareth. Autrement dit, il y aurait 599 chances sur 600 ou 99,83 % que ce tombeau ait appartenu à la famille biblique.

Nous proposons d’introduire les pourcentages retenus par le professeur R. Bauckham : pour « Jésus fils de Joseph » cela correspond à une valeur de 1 : 354, pour Marie 1 : 4,67, pour Mariamenou 1 : 164 et pour Joseh considéré comme variante de Joseph la valeur de 1 : 12,05. Quand nous multiplions ces chiffres nous obtenons 3.267.701. Cette somme doit être divisée par 4 et puis par mille = 816,754. Nous arrondissons le chiffre à 817. Avec ces chiffres légèrement différentes, nous obtenons le résultat de 1 chance sur 817 (0,12 %) que ce tombeau ne soit pas celui de Jésus ou de 816 chances sur 817 ou 99,88 % que ce tombeau ait appartenu à la famille biblique. Nous constatons que le professeur Feuerverger gagne en pertinence, bien que les différences des pourcentages restent petites.

Voici notre critique des calculs :

1. Tout d’abord, le calcul de probabilités n’est qu’aussi fort que le sont ses suppositions. Dans sa lettre du 12 Mars, Feuerverger cite plusieurs suppositions. Parmi celles-ci :
a) l’ossuaire de « Mariamenou » devrait être identifié à Marie-Madeleine. Il avoue lui-même que cette identification est discutable et que « cette supposition influence de façon substantielle le résultat des calculs » (3). Nous avons démontré que cette identification est désormais définitivement écartée. Nous devons donc corriger la formule et supprimer la valeur pour « Mariamenou ».
b) l’inscription « Jésus fils de Joseph » est acceptée sans tenir compte du doute réel quant au nom de « Jésus » (« Hanun » ?). Pour intégrer l’élément du doute, nous divisons la valeur de « Jésus fils de Joseph » par deux = 177.
c) d’autre part, le facteur 1000 correspond au nombre des tombeaux autour de Jérusalem. Cela pose deux problèmes majeurs :
1) Jésus pouvait aussi être enterrée en pleine terre comme 90 % de la population de son temps, 2) ce chiffre exclut la possibilité de la résurrection. Si la résurrection est d’emblée exclue, alors il est facile à arriver à la conclusion qu'il n'est pas réssusicté !
Nous maintenons pourtant le chiffre 1000 parce que le corps de Jean-Baptiste a été placé dans un tombeau dans le roc (Marc 6 : 29 : le mot "mnemeion" a le sens de "mémorial" et est employé par le même évangéliste pour un caveau taillé dans le roc (5 : 2). Il est vraisemblable que les disciples de Jésus ont suivi cet exemple. Cela est confirmé par les 33 kg d'aromates coûteuses (Jean 19 : 39) utilisées pour les funérailles de Jésus qui indiquent que les disciples n'envisageaient pas de l'enterrer en pleine terre.

Conséquences pour le calcul : nous corrigeons le calcul comme énoncé sous les points a) et b). Nous obtenons 1 chance sur 2,4901023 (40,16 %) que ce tombeau ne soit pas celui de Jésus et de 1,49 sur 2,49 ou 59,84 % que ce tombeau soit celui de la famille de Jésus. Avec ce résultat toutes les possibilités sont ouvertes. (4)

2. Puis nous devons intégrer les facteurs dont le Professeur Feuerverger n’a pas tenu compte dans son calcul.

1) L’absence d’inscriptions du lieu d’origine sur les ossuaires :
Le professeur L.Y. Rachmani a découvert que les non-Judéens qui étaient enterrés dans un tombeau de Jérusalem, avaient leur lieu d’origine indiqué sur l’ossuaire. Nous devons donc multiplier la probabilité que Talpiot soit le tombeau de la famille de Jésus (1,49/2,49) avec la probabilité pour chacun des 6 ossuaires que le lieu d’origine n’y soit pas inscrit. La difficulté est qu’il est impossible d’estimer le pourcentage des ossuaires où l’origine étrangère était omise. Supposons qu’en 50 % des cas l’on ait omis d’indiquer le lieu d’origine (dans ce cas, la population étrangère à Jérusalem était deux fois plus importante que ce qui est estimé à partir des ossuaires). Alors la probabilité que Talpiot soit la tombe de la famille de Jésus est de 1,49/2,49 x 50% x 50% x 50% x 50% x 50% x 50% = 0,94 %. Le facteur le plus médian réduit la probabilité de 59,84 % (Feuerverger corrigé) à seulement 0,94 %. Même au cas où un pourcentage quasi absurde de 75 % d'oublis est retenu, la probabilité ne s'élève qu'à 10,65%. (5)
Conclusion : le facteur archéologique renverse totalement le calcul de la probabilité.

2) La probabilité de non-vérification dans le tombeau :
Le tombeau de Talpiot était grand : quelque 35 personnes y ont été enterrées sur une durée de 3 à 4 générations. Ce caveau était connu de tous les habitants de Jérusalem. Cela implique au cas où ce tombeau appartenait à la famille de Jésus, que les chefs religieux savaient où ils devaient chercher le corps de Jésus. Quand son corps avait disparu du tombeau de Jospeh d’Arimathée, ils ne pouvaient pas ne pas aller vérifier dans le tombeau de la famille de Jésus. Ils l’auraient découvert et il n’y aurait jamais eu de foi en la résurrection de Jésus. Au cas où ce tombeau appartenait à la famille de Jésus, quelle est la probabilité que les chefs religieux ne s’y soient pas rendus pour vérifier ? Toute la logique atteste qu’ils l’auraient fait, rien ne s’y opposait. Cette probabilité était certainement inférieure à 1 %. Alors dans le meilleur des cas, il y a une probabilité inférieure à 10, 65 % divisé par 100 = 0,1065 % que le tombeau de Talpiot soit celui de Jésus.

Conclusion : la probabilité que le tombeau de Talpiot soit celui de la famille de Jésus se situe entre 0 et 0,11 %.
Le lecteur peut se rendre compte que plusieurs fois nous avons arrondi les chiffres en faveur de l’équipe de M. Jacobovici. Par exemple, nous aurions pu retenir 25 % d'oublis, ce qui correspond à une probabilité de 0,00015 % (soit une chance de 1,5 sur un million !). Nous sommes d’autant plus à l’aise avec ce chiffre que d’autres facteurs devraient être pris en compte, mais ils sont quasi impossibles à chiffrer : p.ex. la probabilité que tous les apôtres aient menti jusqu’à la mort quant à la résurrection, et la probabilité que le tombeau ne soit pas devenu un lieu de pèlerinage.

3. Un autre calcul permet d’avancer une probabilité similaire. Puisque la famille de Jésus venait de Nazareth, nous devons tenir compte de l’origine galiléenne de la famille. Quelle est la probabilité qu’une famille originaire de 100 km ait eu son tombeau à Jérusalem ? Nous multiplions le résultat corrigé du calcul du Professeur Feuerverger que la famille de Jésus ait eu son tombeau à Jérusalem (59,84 %) à la probabilité qu’une famille vivant à plus de 50 km de distance dispose d’un tombeau à Jérusalem. Parmi les 900 tombeaux de la ville combien appartenaient à une famille résidant à plus de 50 km ? Aucun ! La probabilité est donc inférieure à 1 sur 900 (6). Le résultat doit donc être divisé par 900. 59,84 % : 900 donne une probabilité inférieure à 0,067 % que le tombeau de Talpiot soit celui de Jésus.

4. Le professeur Feuerverger ne tient pas compte de la réalité familiale. Il calcule la probabilité de l’apparition des noms ensemble dans un contexte quelconque. Dans notre sujet, ils ont été retrouvés dans un tombeau familial, il est donc impératif de tenir compte du contexte familial. Nous proposons un calcul du nombre des familles à Jérusalem avec un père Joseph, une mère Marie, un fils Joseph et un fils Jésus.
Voici le calcul :
- nombre d’hommes à Jérusalem = 80.000
- 8,3 % d’entre eux s’appelait Joseph = 6640
- 21,4 % d’entre eux s’était marié à une Marie = 1421
- en 60 % des cas un fils s’appelait Joseph = 853
- l’autre fils s’appelait Jésus (x 4,76 %) = 40 (7)
Il y avait donc au moins 40 familles à Jérusalem avec comme parents Joseph et Marie, ainsi que deux garçons appelés Jésus et Joseph. Nous situons ce chiffre sur la durée d’une trentaine d’années, ce qui a permis à la première génération des Joseph de se marier. Partant de la réalité familiale, nous trouvons donc un éventail de possibilités largement suffisant pour expliquer les noms du tombeau de Talpiot. Avec un autre calcul, Jay Cost aboutit à 229 Jésus fils de Joseph et de Marie, frère de Joseph sur 2 ou 3 générations. (8)

Sachant que 10 % des habitants étaient enterrés dans les tombeaux taillés dans le roc, nous devrions trouver au moins 4 tombeaux avec ces noms. Quand nous avons obtenu le chiffre de 40 familles sur deux générations, la majorité des tombeaux contenait les restes de 3 ou de 4 générations. Si l’ensemble de ces noms n’a pas été découvert plus souvent, c’est parce que seulement 25 % des ossuaires comportent des inscriptions de noms. Et c’est dans ce domaine que le tombeau de Talpiot est exceptionnel : 6 des 10 (60 %) ossuaires portent des inscriptions. Si autant d’ossuaires étaient inscrites dans les autres tombeaux de Jérusalem, nous aurions sans doute découvert plusieurs familles de Jésus ! (9)

Appréciation globale :

1) Plusieurs suppositions de départ sont fausses, le calcul du professeur Feuerverger doit être corrigé en fonction des suppositions qui ne tiennent pas la route ;
2) A Jérusalem, il y avait un réservoir suffisamment large pour expliquer la présence dans le tombeau des noms de Jésus fils de Joseph et Marie, frère de Joseph. Au moins 40 familles différentes de la ville répondaient à ces noms.
3) Le calcul de probabilité doit tenir compte de tous les facteurs : l’origine galiléenne de la famille de Jésus, la probabilité de l’explication des difficultés si Talpiot était le tombeau de la famille de Jésus. Plusieurs facteurs sont impossibles à chiffrer.
4) Avec les données qui peuvent être chiffrées, nous obtenons une probabilité entre 0 % et 0,11 % que ce tombeau soit celui de Jésus, ce qui est du même ordre de grandeur au chiffre de 0,23 % mentionné par Jay Cost. (10)

Le professeur Feuerverger se rétracte :

Depuis la publication du livre, le professeur Feuerverger a révoqué un élément important de son travail dans une lettre à ses pairs datée du 12 mars 2007 : « je crois maintenant que je ne devrais confirmer aucune conclusion qui relie ce tombeau à une tombe hypothétique de la famille du NT. » (11) Il a calculé la probabilité que ces 5 noms apparaissent dans une seule et même famille, ce qui n’est pas du tout la même chose que l’identification du tombeau de Talpiot comme étant celui de la famille de Jésus.

Questions subsidiaires :
1) Nous avons retenu le nom de « Mariah » qui peut être une translittération du Grec vers l’Hébreu. Au cas où les auteurs maintiennent la provenance latine de « Mariah », il faudrait l’exclure du calcul du prof. Feuerverger. Le résultat est une probabilité de plus de 100 % que ce tombeau n’est pas celui de Jésus.
2) Nous n’avons pas intégré les conséquences de la nouvelle lecture de Mariamenoumara comme « Mariame et Mara ». Le nom « Mariame » convient dans la famille de Jésus, soit comme tante ou peut-être une de ses sœurs : en faveur du professeur Feuerverger, il peut être inclus (facteur 4,67). Le nom de « Mara » est en défaveur du résultat du prof. Feuerverger. En réalité il y a un ensemble de quatre noms qui ne correspondent pas à la famille de Jésus : Jude, Jésus (le père de Jude n’est pas la même personne que le Jésus des Evangiles), Matthieu, et Mara. Nous laissons à d’autres le soin de calculer l’impact de l’ensemble de ces noms non-concordants.

Emile Carp


(1) Il s’est appuyé sur les œuvres du professeur L.Y. Rahmani « Catalogue of Jewhish Ossuaries in the collections of the State of Israël », et de Tal Ilan « Lexicon of Jewish Names in Late Antiquity ».
(2) Prof. R. Bauckham, The Alleged Jesus’ Family Tomb,
http://www.christilling.de/blog/2007/03/guest-post-by-richard-bauckham.html
(3) Lettre du professeur Feuerverger du 12 Mars 2007, http://fisher.utstat.toronto.edu/andrey/OfficeHrs.txt
(4) 1/[(177 x 4,67 x 12,05)/4]/1000 = 1/24901023
(5) Voici quelques calculs de la probabilité que Talpiot soit le tombeau de la famille de Jésus :
25 % d’oublis => 0,015 %
35 % d’oublis => 0,11 %
50 % d’oublis => 0,94 %
66,7 % d’oublis => 5,27 %
75 % d’oublis => 10,65 %
(6) Nous sommes ouverts à toute discussion sur ce point.
(7) Du temps de Jésus, il était habituel qu’un père donne son nom à un de ses fils (cf. Luc 1 : 59 – 63). D’autres évaluent cette probabilité à au moins 60 %, chiffre que nous suivons aussi. L’occurrence du nom de Jésus est de 3,4 % => (3,4 % pour le deuxième + (3,4 x 40%) pour le cas où le premier fils n’aurait pas porté le nom de Joseph = 4,76 %). Nous avons donc multiplié 852 x 4,76 % = 40,58. S’il n’y avait que 40.000 hommes à Jérusalem (estimation d’André Lemaire), alors il reste toujours un réservoir très confortable de 20 familles qui correspondent.
(8) Jay Cost sur le blog de Ben Witherington du 26 février 2007,
http://benwitherington.blogspot.com/2007/02/jesus-tomb-titanic-talpiot-tomb-theory.html
(9) The improper application of statistics in ‘The Jesus Family Tomb’, Dr. Stephen Pfann, University of the Holy Land, http://www.uhl.ac/JudeanTombsAndOssuaries.html
(10) Jay Cost sur le blog du prof. B. Witherington,
http://benwitherington.blogspot.com/2007/02/problems-multiple-for-jesus-tomb-%20%20%20%20%20%20%20theory.html;
(11) Lettre du professeur Feuerverger du 12 Mars 2007, p. 1,
http://fisher.utstat.toronto.edu/andrey/OfficeHrs.txt

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