Sur les dix ossuaires trouvés, six comportent des inscriptions et quatre en sont dépourvues. A la fin des fouilles en 1980, tous ces ossuaires ont été amenés à l’entrepôt de l’Autorité des Antiquités Israéliennes, mais seulement 9 y ont été enregistrés. Un ossuaire, le IAA 80/509, aurait mystérieusement disparu. Professeur Amos Kloner en avait seulement noté les dimensions et marqué qu’il n’avait aucune inscription. Qu’est devenu ce 10e ossuaire ? Mr. Jacobovici suppose qu’il aurait été volé.
Puis en automne 2002 est apparu dans l’appartement de Goded Olan, un collectionneur d’antiquités de Tel-Aviv, un ossuaire avec l’inscription « Jacques fils de Joseph, frère de Jésus ». L’épigraphiste André Lemaire a examiné le style de l’écriture et la grammaire, d’autres professeurs ont analysé la patine, le mince dépôt développé au fil des siècles sur les parois, pour constater que l’ossuaire était authentique. Sa découverte a fait grand bruit, car il était considéré comme la première trace archéologique de la famille de Jésus. (1) L’ossuaire a été exposé à Toronto, puis soudainement il y a eu un retournement de situation : Oded Golan fut accusé de falsification, et l’ossuaire a été oublié.
L’ossuaire de Jacques, n’est-il pas l’ossuaire manquant du tombeau de Talpiot ? Si cela est le cas, selon l’équipe de Monsieur Jacobovici, la probabilité serait 50 fois plus élevé et prouverait « de manière irréfutable que cette sépulture était celle de Jésus. (2)
1° Arguments en faveur de la présence de l’ossuaire de Jacques.
Au niveau scientifique c’est un travail cohérent fait avec nettement plus de sérieux que les analyses de l’ADN. Tout d’abord, l’équipe a prélevé de la patine (le mince dépôt développé au fil des siècles) des parois du tombeau de Talpiot et l’a soumise à une analyse spectrographique pour déterminer sa composition chimique. Les signaux de calcium, de carbone et d’oxygène dominaient, suivis de traces d’aluminium, de silicium, de phosphore, de titane et de fer. Puis ils ont analysé la patine de plusieurs ossuaires du même tombeau avec des signaux chimiques toujours concordants. C’est à l’étape suivante que les travaux deviennent intéressants : l’équipe a comparé les résultats de l’ossuaire de Jacques, analysé précédemment en Israël, avec les résultats du tombeau de Talpiot, pour découvrir qu’ils étaient concordants, jusqu’à la présence de pics de titane et de fer ! Il restait une question à résoudre : peut-être toutes les patines de tous les tombeaux de Jérusalem donnent-elles un résultat identique ? Dans ce cas, le résultat n’aurait aucune signification. La dernière étape consistait donc à prélever de la patine d’autres ossuaires révélant la présence de terra rossa comme dans le tombeau de Talpiot. Différents échantillons ont été examinés et les différences étaient immédiatement identifiables. (3) Cela semble bien être une preuve que l’ossuaire de Jacques provient du tombeau de Talpiot.
2° Objections à la présence de l’ossuaire de Jacques dans le tombeau de Talpiot.
1) Tout d’abord, l’archéologue Joe Zias qui faisait partie de l’équipe qui a effectuée la fouille, a déclaré qu’il a déposé de ses propres mains le 10e ossuaire dans la cour du musée Rockefeller. Avec le temps, les chiffres d’identification se sont effacés, il est donc presque impossible de l’identifier parmi les autres ossuaires sans inscription. Ceci démontre que l’ossuaire n’a pas mystérieusement disparu. (4)
2) Comme Joe Zias, Amos Kloner vient de déclarer que le 10e ossuaire ne portait aucune inscription (5). Ce sont deux témoignages concordants d’hommes de science qui n’ont aucun intérêt à mentir. Les deux archéologues toujours vivants confirment tous les deux que l’ossuaire en question était blanc.
3) La famille de Goded Olan a témoigné que l’ossuaire lui appartenait déjà durant les années 1970. Une ancienne fiancée de l’intéressé l’a aussi confirmée, ainsi que des photos qui ont été examinées par la FBI.
4) Celui qui a vendu l’ossuaire à Goded Olan l’a informé qu’il provenait du village de Silwan à l’Est de Jérusalem. Ceci est confirmé par des traces de terre de Silwan imprégné dans cet ossuaire.
5) Les mesures de l’ossuaire de Jacques (longueur : 56 cm en haut, 50,5 cm en bas, hauteur 30,5 cm et largueur 25 cm) ne correspondent pas aux mesures du 10e ossuaire notées par Amos Kloner : longueur 60 cm, hauteur 30 cm, largueur 26 cm. (6). Quand les mesures en hauteur et largueur sont relativement proches, la différence en longueur est flagrante. Ceux qui prétendent que les mesures étaient identiques ne connaissent pas le sujet. (7)
6) Le fond de l’ossuaire de Jacques a souffert de l’eau pendant une longue période, ou le tombeau de Talpiot n’a pas de problèmes d’humidité. L’ossuaire de Jacques s’est trouvé pendant des siècles dans un tombeau humide, ce qui le différencie des ossuaires de Talpiot.
Comment voir clair dans ces deux positions fortes ?
L’approche des analyses spectrographiques est un point fort du travail de Mr. Jacobovici. Pourtant, son approche scientifique est contesté par certains, dont Joe Zias qui se plaint que le laboratoire de la police scientifique de Suffolk ne comprend rien en archéologie. Il signale aussi que la patine des ossuaires de Jérusalem est quasiment la même pour tous, car les matériaux et le climat sont identiques. (8) Ce qui nous étonne, c’est que Mr. Jacobovici dans son livre ne mentionne nulle part la terre de Silwan dans l’ossuaire de Jacques, ni les dégâts d’eau dont les autres ossuaires n’ont pas souffert. Ce sont des différences claires.
D’autre part, il est impossible que l’ossuaire de Jacques est le 10e ossuaire « disparu ». Les mesures sont différentes et les témoignages des deux archéologues confirment qu’il ne portait aucune inscription. Dans la Bible, la vérité est établie sur base d’au moins deux témoins (Deutéronome 19 : 15).
Est-il possible qu'un 11e ossuaire aurait disparu entre la découverte du tombeau le vendredi et le dimanche matin quand les fouilles ont commencé ? Les plans du tombeau effectués par l'archéologue Shimon Gibson indiquent que tous les ossuaires étaient couverts d'une bonne couche de terra rossa. (9) Les entrées des loculi étaient remplis à deux-tiers de la hauteur de cette terre, impossible d'en extraire le moindre ossuaire. Notre réponse est donc formelle : il n'y avait pas de 11e ossuaire dans le tombeau.
Et comment expliquer plusieurs témoignages concordants de la famille et des amis, de photos prises de l’ossuaire de Jacques au milieu des années ’70 ? Pour James Tabor, ils mentent tous : « Je pense qu’il est en sa possession depuis un an (2001). » (10) Cette affirmation ne tient plus du tout devant une photo produite récemment par Monsieur G. Olan où l’on voit l’ossuaire. La date est marquée sur cette photo : il s’agit de l’année 1976, quatre ans avant la découverte du tombeau de Talpiot ! (11)
Quand nous mettons tous les éléments ensemble, l’identification de l’ossuaire de Jacques au 10e ou à un éventuel 11e ossuaire (nulle part attesté), devient de moins en moins plausible.
Et si l’ossuaire de Jacques avait appartenu au tombeau de Talpiot …
Professeur André Lemaire a authentifié l’inscription qu’il date du 1 siècle de notre ère, mais outre les noms, il n’y a pas d’autres spécifications typiques pour Jacques (p.ex. « le juste »). L’identification avec Jacques, le frère de Jésus, n’est donc pas certaine. Il établit aussi qu’il y avait à Jérusalem bien vingt Jacques, fils de Joseph, avec un frère nommé Jésus. Mais « fils de Jésus » n’avait de sens que quand ce dernier était très connu, et c’est avant tout Jacques l’évêque de Jérusalem qui était connu comme frère du Seigneur. André Lemaire pense qu'il est très probable que l'ossuaire ait appartenu à Jacques, le frère du Seigneur. (12)
Nous avons adopté un autre point de vue. Flavius Josèphe (Ant. 20.9.1) écrit qu’en l’an 62, le souverain sacrificateur Anan a fait lapider Jacques, « le frère de Jésus, qui était appelé le Christ ». Ceux qui étaient lapidés ne pouvaient être enterrés dans un tombeau dans le roc, ils devaient être enterrés en pleine terre. Selon l’historien de l’Eglise Hégésippe qui vécut au milieu du 2e siècle (cité par Eusèbe, Hist. Eccl. 2.23.4-18), Jacques était enterré là où il est mort, proche du sanctuaire, le temple de Jérusalem. Il signalait que de son temps il y avait toujours une stèle sur la tombe en pleine terre de Jacques. Il est clair que ce mot n’indique pas un ossuaire, mais bien la plaque placée en surface pour signaler la tombe. Aucune tradition n’indique que Jacques ait été placé dans un tombeau taillé dans le roc. Finalement, Jacques aimait la pauvreté : un tombeau de riches ne convenait pas à sa personnalité. Ainsi, Jacques, le frère du Seigneur, était enterré en pleine terre et pas dans un ossuaire, son tombeau était toujours identifiable par une stèle un siècle après sa mort. Il était enterré en face du temple, hors des murs de Jérusalem, dans la vallée du Cédron. (13) Cet endroit ne correspond pas du tout avec le tombeau de Talpiot qui se trouve au Sud de Jérusalem, loin du temple.
Le corps de Jacques, le frère de Jésus, n’a pas été placé dans un ossuaire, même pas un siècle après sa mort. Ainsi nous concluons que l’ossuaire « Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus » désigne un des vingt autres candidats de Jérusalem. Si cet ossuaire s’est trouvé dans le tombeau de Talpiot, il prouve que ce tombeau a appartenu à une autre famille que celle de Jésus de Nazareth.
Emile Carp
(1) André Lemaire, L’ossuaire de Jacques, frère de Jésus, http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/l_ossuaire_de_jacques_frere_de_jesus.asp
(2) Le Tombeau de Jésus, Simcha Jacobovici & Charles Pelligrino, p. 254, Editions Michel Lafon, 2007
(3) Idem, p. 241 – 250
(4) Journal Nouvelles Israël n° 5, Mai 2007, voir aussi les emails de Joe Zias sur le blog de Ben Witherington, http://benwitherington.blogspot.com/2007/03/smoking-gun-tenth-talpiot-ossuary_9874.html
(5) Amos Kloner interviewed by Darrell Bock – the Tenth Ossuary was Blanc, sur le blog de Ben Witherington, 17 Mars 2007,http://benwitherington.blogspot.com/2007_03_01_archive.html
(6) Pour les mesures de l’ossuaire de Jacques, voir l’article d’André Lemaire sous (1), pour le 10e ossuaire, voir Atiquot 29 (1996), p. 15 – 22.
(7) M. Jacobovici mène ses lecteurs en erreur quand il écrit : "James Tabor a vérifié les dimensions de "Jacques" ... et elles correspondent exactement à celle de l'ossuaire manquant". (Le tombeau de Jésus, p. 236). Nous avons mentionné les mesures exactes des deux ossuaires qui sont manifestement différentes !
(8) Journal Nouvelles Israël n° 5, Mai 2007
(9) Le Tombeau de Jésus, Simcha Jacobovici & Charles Pelligrino, la 1e page photos qui suit la page 120, Editions Michel Lafon, 2007
(10) Idem, p. 84 - 85
(11) Deconstructing the Second and Hopefully the Last Coming of Simcha and the BAR Crowd, Joe Zias, 2007, http://www.joezias.com/tomb.html
(12) André Lemaire, L’ossuaire de Jacques, frère de Jésus, cf ? note (1), cf. Emile Puech, « L’Ossuaire de Jacques, le frère de Jésus », http://www.revue-kephas.org/03/1/Puech41-46.html
(13) Nous suivons l’étude magistrale de Jodi Magness « The Burials of Jesus and James », Journal of Biblical Literature 124/1, 2005, p. 121 – 154.
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